Hermit and the Recluse - Orpheus vs. the Sirens

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Hermit and the Recluse - Orpheus vs. the Sirens

par chibougue » 28 août 2018, 12:35

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Le rappeur new-yorkais Ka est un cas (scusez-la!) des plus fascinants. De son vrai nom Kaseem Ryan, il a commencé à se faire remarquer sur la scène underground de la Grosse Pomme alors qu'il faisait partie de la formation Natural Elements dans les années quatre-vingt-dix. Puis, il a abandonné les planches et se consacre maintenant surtout à son travail de capitaine des pompiers à Brooklyn. Le rap, lui, ne l'a pas abandonné et de temps à autres, même s'il ne se produit plus sur scène, Ka sort un album qu'il enregistre seul et qu'il distribue lui-même. À ce qu'il paraît, à chaque fois qu'il sort un de ses disques, on peut le voir en vendre des copies sur le trottoir dans le quartier de Brownsville où il demeure.

La musique de Ka se situe très loin du hip hop branchouille destiné aux adolescents qui est très en vogue en ce moment. Le type a quarante-six ans et il semble publier ses disques pour lui-même avant tout. Son flow n'a rien d'agressif, d'accrocheur ou de sexy. Il rappe comme s'il était un moine zen en train de philosopher. Les musiques sur lesquelles il pose cette voix de vieux sage sont souvent dépourvues de rythmiques percussives (ce qui lui aliène un public plus habitué aux martèlements d'un rap plus orthodoxe). De plus, il aime les albums concept car ils lui permettent d'exprimer ses réflexions par le biais de métaphores imagées. Son avant-dernier album, "Honor Killed the Samurai" avait pour décor le japon médiéval. Maintenant, notre homme se tourne vers la mythologie grecque et, plus précisément, la figure d'Orphée.



Voyons un peu de quoi il en retourne. Orphée ne se séparait jamais de sa lyre. Son chant était capable de dompter les animaux les plus sauvages, de faire fondre le coeurs les plus cruels. Il prit part à l'expédition des Argonautes sur la mer afin de trouver la fameuse Toison d'Or. Quand le navire approcha des sirènes, il chanta, se mesura à elles et les vainquit, ce qui permit aux Argonautes de continuer leur quête. Plus tard, il épousa la belle Eurydice. Celle-ci devait connaître un triste sort et mourut, mordue par un serpent. Orphée entreprit alors de descendre aux Enfers pour aller l'y chercher. Son chant vint à bout des périls qui s'y trouvaient et il convainquit Hadès, le roi des lieux, de le laisser repartir avec sa bien-aimée. Sur le chemin du retour, il devait cependant s'assurer d'une chose: ne jamais se tourner vers son épouse qui marchait derrière lui. Jusqu'à ce que n'entendant plus le bruit des pas d'Eurydice, il se retourna et la perdit pour toujours.

Ka aurait pu aborder ce mythe comme s'il n'était qu'une histoire de super-héros. Au cinéma, tel est souvent le traitement qu'on réserve à la mythologie grecque. Kaseem Ryan est un type beaucoup trop profond pour ça. Avec des mots judicieusement choisis, il se sert de l'histoire d'Orphée pour parler de sa vie à Brownsville (pas un quartier très jojo, on dirait) et de sa quête de sens devant les mystères qui nous dépassent tous. Malgré son talent capable de charmer les foules, l'artiste ne peut venir à bout de tout. Ses doutes l'amènent toujours à se retourner derrière lui et la mort finit par avoir le derrière mot.

Contrairement à ses habitudes, Ka a fait appel à un partenaire pour entreprendre ce projet. L'autre moitié du duo Hermit and the Recluse est Animoss, un producteur basé à Los Angeles. Ce dernier a composé une trame faite de séquences répétitives d'échantillonnages bien choisis: guitares, orgues, cordes... Il y a un peu plus de batterie que sur les musiques sur lesquelles Ka rappe habituellement, mais elle est utilisée avec beaucoup de parcimonie. Le tout est fort bien agencé. Ces paysages musicaux créés par Animoss sont en complète adéquation avec ce que le rappeur raconte. Aucun détail clinquant ne vient attirer l'attention ou ajouter d'inutiles couches de pathos. Une sérénité inébranlable se dégage de l'ensemble.

Jusqu'à maintenant, "Orpheus vs. the Sirens" suscite des commentaires très élogieux sur la planète web. De nombreux observateurs sont d'avis que Ka est un des paroliers les plus incontournables du milieu hip-hop. Je ne puis qu'être d'accord: ce type est un poète de très haut niveau, tous genres musicaux confondus. Ses rimes sont extrêmement bien ficelées et son propos donne à réfléchir. Sur ce nouvel album, Animoss donne à ses textes un écrin qui les met en valeur de façon exemplaire. Du grand art!

L'album complet est en écoute sur Youtube:


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