Mais qu'est-ce que le post-rock au juste? Qu'est-ce que cette musique de "l'après du rock"? Simon Reynolds, journaliste au Wire, a été le premier à utiliser la formule. Il s'en est alors servi pour décrire la musique de groupes qui utilisaient une instrumentation rock (guitare et basse électrique, batterie) à des nouvelles fins en se tournant vers d'autres horizons: musique contemporaine, jazz d'avant-garde, ambient, électro... Pour les musiciens post-rock la question était: après avoir joué du rock traditionnel pendant des décennies, qu'est-ce qu'on peut faire de neuf avec ces instruments?
Bien sûr, ces musiciens des années quatre-vingt-dix n'étaient pas les premiers à se poser cette question. D'illustres prédécesseurs l'ont fait avant eux. Le Velvet Underground l'a fait. Surtout sur ses deux premiers disques (période John Cale). Sister Ray qui couvrait toute la face B de White Light/White Heat, c'était de l'exploration post-rock avant l'heure. Idem pour plusieurs morceaux des groupes krautrock. Future Days de Can peut passer pour un disque de proto-post-rock sans problèmes. Même Pink Floyd a eu ses moments précurseurs du genre à venir.
Puis vient la belle époque des groupes post-rock officiels: Tortoise, Mogwai, Godpeed You! Black Emperor, Do Make Say Think, Sigur Ros, Explosions in the Sky et autres Mono... De nombreux mélomanes se sont émerveillés devant cette nouvelle tournure que prenait le rock. Mais qu'en est-il aujourd'hui en 2017? Ces groupes et cette musique, sont-ils toujours pertinents?
Il me semble que les formations mentionnées plus haut n'excitent plus grand monde excepté un public conquis d'avance. On ne peut pas dire que les derniers Mono ou Sigur Ros ont suscité un intérêt comparable à celui qui accompagnait leurs premiers albums. Le disque-retour de Tortoise l'an dernier était un déplorable échec. Le dernier GY!BE (que j'écoute toujours avec beaucoup de plaisir, soit dit en passant), quant à lui, s'est attiré des commentaires mitigés. Les musiciens post-rock auraient-ils déjà fait le tour du jardin?
Histoire d'apporter des éléments de réponse à cette question, je me suis penché sur deux parutions récentes au rayon post-rock: les derniers albums des groupes canadiens Do Make Say Think et Avec le Soleil Sortant de sa Bouche.
Mes premières écoutes de Stubborn Persistent Illusions, la plus récente offrande de Do Make Say Think, m'ont enchanté. Après sept ans d'absence, les Torontois nous reviennent avec une oeuvre qui s'éloigne de la formule un peu caricaturale décrite dans le premier paragraphe de ce texte. Sauf que passé la troisième écoute, je commençais honnêtement à m'ennuyer. Les compositions du groupe n'avaient déjà plus grand chose à me raconter, ne me faisaient pas voyager bien loin et, pire que tout, ne me faisaient plus ressentir quoique ce soit. Quelques belles trouvailles en surface, mais pas beaucoup de chaire sous la pelure au final. C'en est assez pour nourrir mes doutes quant à l'évolution du genre musical dont il est ici question.
Il en va différemment des Québécois d'Avec le Soleil Sortant de sa Bouche. Pas Pire Pop (I Love You so Much) est un des disques les plus joyeusement ambitieux a avoir vu le jour cette année. Tout un party: on y passe du funk au krautrock, de l'afro-beat au speed metal, du noise au disco sans prévenir. Tout peut arriver sur cette galette! L'influence des groupes allemands des années soixante-dix y est très évidente, mais on évite le calque ou le passéisme. De plus, c'est exécuté de main de maître et - chose étonnante au pays du post-rock - ça déborde d'une joie lumineuse qui donne envie de danser!
La preuve qu'avec un grain de folie et du coeur au ventre, tout genre musical peut se renouveler et continuer à nous étonner. Espérons pour le post-rock qu'il puisse le faire encore un bon moment.