Post-rock: l'essoufflement?

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

10 juil. 2017, 23:14

Des ambiances d'apocalypse, des guitares qui explorent la texture du son mur à mur, des crescendos que l'on voit venir plusieurs mesures à l'avance, des finales qui n'en finissent plus de finir... Voilà ce qui peut venir à l'esprit de certains à la mention du terme post-rock. Bien sûr, on généralise un tantinet. Ce n'est pas qu'à cette formule mise au point par quelques formations phares du genre, dont le fameux collectif montréalais Godspeed You! Black Emperor, que se résume le post-rock. C'est un peu comme si on réduisait l'ambient aux nappes de synthé de Brian Eno ou le punk-rock aux trois accords des Ramones.

Mais qu'est-ce que le post-rock au juste? Qu'est-ce que cette musique de "l'après du rock"? Simon Reynolds, journaliste au Wire, a été le premier à utiliser la formule. Il s'en est alors servi pour décrire la musique de groupes qui utilisaient une instrumentation rock (guitare et basse électrique, batterie) à des nouvelles fins en se tournant vers d'autres horizons: musique contemporaine, jazz d'avant-garde, ambient, électro... Pour les musiciens post-rock la question était: après avoir joué du rock traditionnel pendant des décennies, qu'est-ce qu'on peut faire de neuf avec ces instruments?

Bien sûr, ces musiciens des années quatre-vingt-dix n'étaient pas les premiers à se poser cette question. D'illustres prédécesseurs l'ont fait avant eux. Le Velvet Underground l'a fait. Surtout sur ses deux premiers disques (période John Cale). Sister Ray qui couvrait toute la face B de White Light/White Heat, c'était de l'exploration post-rock avant l'heure. Idem pour plusieurs morceaux des groupes krautrock. Future Days de Can peut passer pour un disque de proto-post-rock sans problèmes. Même Pink Floyd a eu ses moments précurseurs du genre à venir.





Puis vient la belle époque des groupes post-rock officiels: Tortoise, Mogwai, Godpeed You! Black Emperor, Do Make Say Think, Sigur Ros, Explosions in the Sky et autres Mono... De nombreux mélomanes se sont émerveillés devant cette nouvelle tournure que prenait le rock. Mais qu'en est-il aujourd'hui en 2017? Ces groupes et cette musique, sont-ils toujours pertinents?





Il me semble que les formations mentionnées plus haut n'excitent plus grand monde excepté un public conquis d'avance. On ne peut pas dire que les derniers Mono ou Sigur Ros ont suscité un intérêt comparable à celui qui accompagnait leurs premiers albums. Le disque-retour de Tortoise l'an dernier était un déplorable échec. Le dernier GY!BE (que j'écoute toujours avec beaucoup de plaisir, soit dit en passant), quant à lui, s'est attiré des commentaires mitigés. Les musiciens post-rock auraient-ils déjà fait le tour du jardin?

Histoire d'apporter des éléments de réponse à cette question, je me suis penché sur deux parutions récentes au rayon post-rock: les derniers albums des groupes canadiens Do Make Say Think et Avec le Soleil Sortant de sa Bouche.

Mes premières écoutes de Stubborn Persistent Illusions, la plus récente offrande de Do Make Say Think, m'ont enchanté. Après sept ans d'absence, les Torontois nous reviennent avec une oeuvre qui s'éloigne de la formule un peu caricaturale décrite dans le premier paragraphe de ce texte. Sauf que passé la troisième écoute, je commençais honnêtement à m'ennuyer. Les compositions du groupe n'avaient déjà plus grand chose à me raconter, ne me faisaient pas voyager bien loin et, pire que tout, ne me faisaient plus ressentir quoique ce soit. Quelques belles trouvailles en surface, mais pas beaucoup de chaire sous la pelure au final. C'en est assez pour nourrir mes doutes quant à l'évolution du genre musical dont il est ici question.



Il en va différemment des Québécois d'Avec le Soleil Sortant de sa Bouche. Pas Pire Pop (I Love You so Much) est un des disques les plus joyeusement ambitieux a avoir vu le jour cette année. Tout un party: on y passe du funk au krautrock, de l'afro-beat au speed metal, du noise au disco sans prévenir. Tout peut arriver sur cette galette! L'influence des groupes allemands des années soixante-dix y est très évidente, mais on évite le calque ou le passéisme. De plus, c'est exécuté de main de maître et - chose étonnante au pays du post-rock - ça déborde d'une joie lumineuse qui donne envie de danser!



La preuve qu'avec un grain de folie et du coeur au ventre, tout genre musical peut se renouveler et continuer à nous étonner. Espérons pour le post-rock qu'il puisse le faire encore un bon moment.

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jon8
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11 juil. 2017, 12:39

Intéressant topic, Chibougue.

À mon avis, ce qui fait l'essouflement du Post-rock (et du Rock en général) c'est... la guitare électrique.

À l'ère du traitement par ordinateur et du ''CGS'' computer-generated-sounds, le côté raw de la guitare électrique, l'ADN du genre, est pas mal décalé... Le sous-genre ''Post'', dans le fond, n'a fait que changer le contenant, pas le contenu. Des pièces plus longues, de l'esthétique industriel/ambient/orchestral...mais fondamentalement c'est le même backbone, c'est les mêmes repères auditifs.

Perso, y pas grand chose qui m'excite dans ce genre là de nos jours. Ceci dit, j'aime bien revisiter les classiques. ;)

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chibougue
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11 juil. 2017, 15:20

Je suis plutôt d'accord. Si on cherche l'innovation, il ne s'est pas fait grand chose de bien bien neuf avec une guitare électrique récemment. Dans les dernières années, un des seuls exemples d'artiste qui a su amener la guitare électrique ailleurs, à mon avis, c'est le norvégien Stian Westerhus. Le type est un virtuose, mais plus de son kit de pédales d'effets que de la guitare en tant que telle. Faut aimer l'expérimentation par contre!



Mais pour en revenir au post-rock, c'est peut-être un peu ça, aussi, son problème en ce moment. Comme c'est une musique qui est basée sur l'innovation (amener l'instrumentation rock vers de nouveaux territoires), une fois qu'on a fait le tour de ce que le genre permettait de faire de neuf, on se retrouve devant une possible impasse.
Dernière édition par chibougue le 11 juil. 2017, 15:31, édité 1 fois.

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chibougue
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11 juil. 2017, 15:27

Remarque qu'en tant qu'auditeur, je ne cherche pas l'innovation à tout prix. Des gens qui utilisent une guitare électrique comme Neil Young ou Kurt Vile peuvent encore me parler.

Mais depuis le début 2017, j'ai beau me creuser la tête, le seul disque basé sur des guitares électriques à m'avoir allumé, c'est le dernier Tinariwen. Mais, ça c'est complètement une autre façon de concevoir le rock.

Ah oui, le nouveau Boris s'en vient et j'avoue que le premier extrait, très grunge, me réjouit. Rien de nouveau, mais ça fait du bien par où ça passe!


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11 juil. 2017, 17:22

me semble avoir souligné il y a quelques années sur le blogue de Alain que le genre rock était mort le 2 octobre 2000.
On the verge of a breakdown after promoting Radiohead's 1997 album OK Computer, songwriter Thom Yorke envisioned a radical change in direction. Radiohead replaced their rock sound with synthesisers, drum machines, the ondes Martenot, string orchestras and brass instruments, incorporating influences from genres such as electronic music, krautrock, jazz, and 20th-century classical music.
-wikipedia

La session Kid A & Amnesiac a vraiment bouleversé la chose, à mon avis et avec du recul.

Incroyable aussi d'observer qu'un des albums post-rock les plus appréciés de tous les temps, Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven, est sorti... le 12 septembre 2000, c'est à dire 3 semaines avant Kid A.

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18 juil. 2017, 17:34

Bon, je sors d'une boîte à surprise avec ma réponse une semaine après tout le monde, mais c'est parce que j'étais en vacances.

L'affaire avec le post-rock, c'est qu'il y a une recette qui s'est mise en place. Les émules de Mono et Explosions In The Sky abondent. Comme c'est un style musical que j'affectionne, ça ne me dérange pas trop, mais j'ai quand même la lucidité de voir qu'il y a de la redite.

D'ailleurs, je me suis posé la question à savoir si Avec le soleil sortant de sa bouche était bien du post-rock. C'est tout dire.

C'est peut-être pas que tout a été dit, mais bien que le genre s'est un peu mis dans un carcan. Un peu comme pour le prog. C'est hallucinant de voir les fans de prog débattre à savoir si tel ou tel groupe est prog ou non. On n'en est quand même pas là avec le post-rock, mais vous voyez où je veux en venir. Le danger d'un "branding" est quand même présent.

J'écoutais du Fugazi l'autre jour et je me disais que ça pourrait presque se qualifier dans le genre. J'aimerais bien revoir surgir des groupes du genre pour faire revivre le post-rock mâtiné de punk à la Slint, Bastro et autres Bark Psychosis. Je pense qu'on peut encore causer des surprises avec des guitares, des basses et des batteries...

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18 juil. 2017, 17:42

Je pense qu'on peut encore causer des surprises avec des guitares, des basses et des batteries...
En y mettant le feu puis en garochant le tout dans la foule? Oh wait, ça s'est déjà fait non? :crying:

non je pense que le seul moyen de causer la surprise à l'aide d'une guitare c'est d'arriver en douce vers l'auditeur, pendant son sommeil, et l'assommer avec. Avec un peu de chance, à son réveil il n'y aura aucune trace.

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18 juil. 2017, 17:43

Le néo-post-rock: tu te réveilles à l'hopital le lendemain d'un show. Frappant!

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chibougue
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18 juil. 2017, 20:05

Blackened a écrit :
18 juil. 2017, 17:34

L'affaire avec le post-rock, c'est qu'il y a une recette qui s'est mise en place.

C'est peut-être pas que tout a été dit, mais bien que le genre s'est un peu mis dans un carcan.
C'est exactement ce que je pense. La même chose est arrivée avec le mouvement punk. Au départ, avant l'arrivée de balises hyper-restrictives, un groupe comme Suicide était considéré punk alors que vingt ans plus tard, les kids qui écoutaient du Offspring ne pouvaient même pas s'imaginer qu'un groupe de synthés puisse appartenir à ce genre musical.

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19 juil. 2017, 17:03

jon8 a écrit :
18 juil. 2017, 17:42
non je pense que le seul moyen de causer la surprise à l'aide d'une guitare c'est d'arriver en douce vers l'auditeur, pendant son sommeil, et l'assommer avec. Avec un peu de chance, à son réveil il n'y aura aucune trace.
En fait, l'instrument importe peu. C'est la façon dont on le triture pour en tirer des sons et l'intégrer dans la composition qui, en bout de ligne, va créer la surprise.

Si Colin Stetson a réussi à causer la surprise avec un saxophone, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas encore le faire avec une guitare. Ceci dit, je ne nie pas que le défi est de taille. Certains groupes de post-rock, tel Mogwai, on d'ailleurs pris le virage électronique pour se renouveler. Mais je crois tout de même que c'est faisable.

Pour rester dans le post-rock, avez-vous déjà écouté les Red Sparowes? Ils ont justement réussi à intégrer de belle façon le lap steel, un instrument pourtant associé à des musiques assez conservatrices, à leurs compositions. De loin mon band préféré dans le genre.

N'oublions pas non plus que le post-rock est une musique qui prend toute sa dimension en concert. L'expérience est souvent moins transcendante sur disque, mettons.

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19 juil. 2017, 17:15

Avez-vous déjà écouté du Pan sonic, les gars?

Je pense (pas 100% certain) que c'est justement de la guitare électrique poussé au max dans certains cas.

edit: Pan sonic mais aussi COH.

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19 juil. 2017, 17:16

Chibougue connait ça c'est sûr, il pourrait peut-être plus confirmer que moi