Les labels où logent ces différents chanteurs n'ont même pas pris la peine de les faire paraître au Québec. J'imagine que ce ne serait pas assez rentable pour eux. Pourtant, il y a vingt-cinq ans, la situation était complètement différente. Je choisis ce point précis dans le temps parce que c'est à cette époque que j'ai découvert chacun de ces artistes (ça ne me rajeunit pas!). J'étais alors universitaire et, sauf pour Manset que j'ai rencontré par le biais de reprises que d'autres ont fait de ses chansons, j'ai tout d'abord vu les clips de ces types-là à Musique Plus, un médium dont je m'ennuie de la liberté et de l'ouverture. J'allais ensuite au Archambault le plus près de chez moi et trouvais leurs disques dans les rayons du magasin. Même pas besoin de faire de commande!
Quelques disques français continuent tout de même de paraître chez nous. Je pense aux plus récents Clara Luciani, Feu! Chatterton, Arthur H ou Françoise Hardy sortis un peu plus tôt cette année. Des médias en ont parlé et notre radio d'état - qui soutient toujours les artistes de la francophonie - en a fait jouer des extraits (comme elle le faisait pour Jean-Louis Murat avant que son étiquette ne décide que ça ne valait plus la peine d'exporter ses oeuvres ici). Mais est-ce que cela se traduit par des ventes d'albums intéressantes pour les musiciens en question? Pas certain... À vrai dire, quand j'y pense, les seuls artistes francos étrangers ayant eu un certain succès de notre côté de la grande flaque dans les dernières années sont Zaz (je ne d'ailleurs comprendrai jamais pourquoi) et Stromae (qui est belge).
Mais comment expliquer le fait qu'année après année, le public québécois tourne de plus en plus le dos à la chanson qui se produit chez ses cousins français? Je vais tenter quelques éléments de réponse. Premièrement, une bonne partie du public québécois a toujours été allergique à ce qui se fait chez les "maudits français" ("films plates", "chanteuses qui n'ont pas de voix"...) qu'il trouve ennuyeux et vaguement intellectuel. Puis, on peut aussi dire que les Québécois assouvissent leur soif de chanson en français en écoutant ce que font leurs propres artistes. Ce n'est certainement pas une mauvaise chose, mais il est tout de même dommage que nous levions le nez sur une chanson qui s'écrit dans notre propre langue et dont les artisans, qui ont une perspective et des influences différentes des nôtres, ne peuvent qu'enrichir notre culture et notre vision du monde.