Je Rêve à "Personne n'en Parle".

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

04 janv. 2019, 15:17

La semaine dernière, le critique de musique classique Claude Gingras était emporté par le cancer. Quelques jours avant ce décès, le journaliste Alain Brunet annonçait qu'il prenait sa retraite, mais qu'il allait continuer de parler musique sur internet. Deux événements qui m'ont fait réfléchir... C'est avec beaucoup de plaisir que je lisais les textes que publiaient ces deux critiques dans le cahier des arts du journal La Presse à chaque semaine. Je sais, Gingras ne faisait pas l'unanimité, surtout à cause de son irascible caractère, mais c'était tout de même, comme Brunet, une source intarissable d'érudition musicale. Et maintenant? Ces deux journalistes ont-ils des successeurs? Il me semble, qu'on se retrouve devant un vide.

La critique musicale n'est pas complètement disparue des pages des journaux généralistes comme La Presse, je le sais bien. Je crois tout de même que ceux qui s'y adonnent de nos jours ratissent beaucoup moins large que Brunet (il couvrait à peu près tous les genres musicaux existant) ou vont beaucoup moins loin que Gingras dans l'exploration d'un monde aussi spécialisé que celui de la musique classique (à part Christophe Huss au Devoir). Bref, on parle toujours de musique, mais seulement de musique que les lecteurs connaissent déjà. Les curieux qui pourraient être séduits par des formes musicales plus exigeantes sont laissés à eux-mêmes.

On me répondra qu'afin de satisfaire leur soif de culture, ils peuvent maintenant avoir recours au web. C'est vrai. Je pense quand même que les médias traditionnels abandonnent peu à peu leur rôle essentiel de passeurs, d'éducateurs, en ce qui concerne les arts. Pour que l'étincelle jaillisse, pour que monsieur-madame-tout-le-monde s'intéresse à la musique classique, au jazz, à l'électro de pointe, aux musiques du monde, il faut bien qu'il/elle en entende à la radio où qu'il/elle lise à propos de ces genres musicaux dans le journal!

Cette désaffectation que je constate fait partie d'une tendance qui a débuté il y a plusieurs années. Certains se moqueront peut-être de moi, mais je m'ennuie des Beaux Dimanches à Radio-Canada. On y présentait, pour le grand public, des pièces de théâtre, des concerts de musique classique, de la chanson plus pop, de l'opéra... Maintenant, dans la même case horaire, on a "Tout le Monde en Parle". Eh bien, je rêve d'un diffuseur qui nous présenterait "Personne n'en Parle", une émission qui ferait faire des découvertes au public général, pas seulement aux fanatiques d'art avertis.

C'est curieux: alors que l'avènement d'internet nous promettait une culture plus accessible, j'ai l'impression que cette culture est de plus en plus cachée derrière un nuage d'algorithmes et de propositions aléatoires qui fait que tout un chacun ne fait que creuser le même sillon musical jusqu'à s'en lasser. Avec les médias généralistes qui délaissent de plus en plus les genres dits "de niche", cette tendance ne fait que s'accélérer. Je suis peut-être pessimiste, mais je me désole devant cet état des choses qui semble, pour l'instant, irréversible.
Dernière édition par chibougue le 04 janv. 2019, 23:48, édité 5 fois.

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04 janv. 2019, 15:56

Chibougue, je partage en grande partie ta déception fasse à ce ''spectacle'' un peu triste...

C'est curieux: alors que l'avènement d'internet nous promettait une culture plus accessible, j'ai l'impression que cette culture est de plus en plus cachée derrière un nuage d'algorithmes et de propositions aléatoires qui fait que tout un chacun ne fait que creuser le même sillon musical jusqu'à s'en lasser. Avec les médias généralistes qui délaissent de plus en plus les genres dits "de niche", cette tendance ne fait que s'accélérer. Je suis peut-être pessimiste, mais je me désole devant cet état des choses qui semble, pour l'instant, irréversible.
Le problème là dedans est d'une simplicité bouleversante: ça mets seulement en lumière les limites des gens.

Internet, les réseaux sociaux, l'hyper-communication, les changements dans les médias.... Tout ça ne montre que ce que les gens veulent. Ce dont ils sont vraiment intéressé. Autrefois, les médias ''forcaient dans la gorge'' des trucs pointus (relativement) alors que la demande n'était pas là. Aujourd'hui, ca ne passe pas. Donc il reste la ''vraie'' clientèle de niche. Qui est rare en sacrament...

Soyons honnêtes juste deux secondes, des Gingras et des Brunet ça n'intéresse qu'une infime partie de la population. Le restant s'en contre-câlisse bin raide. Nous sommes à des années lumières d'un Foglia ou d'un Lagacé ou d'un Martineau (eh oui..)

Oui c'est triste, mais en même temps rien ne sert de renier la réalité. C'est d'même.

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chibougue
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04 janv. 2019, 20:38

Loin de moi l'idée de faire de tout le monde des amateurs de jazz ou d'opéra, mais il me semble que les médias doivent faire en sorte que la culture soit accessible à tout le monde, spécialement si c'est de la culture plus pointue, qui peine a trouver son public.

Je me demande si le problème n'est pas dû, en partie, au poids de plus en plus important qu'ont les annonceurs. Quand j'entends la radio commerciale par exemple, j'ai l'impression que ce sont les chansons qui jouent entre les annonces au lieu du contraire. On diffuse de la pub et, entre deux spots publicitaires, on fait jouer de la musique bien sage qui ne dérange rien pour ne pas faire peur eux clients potentiels. Si la musique qu'on entend sur ces stations est devenue si formatée avec le temps, on dirait que c'est parce qu'elle doit être aussi fade et incolore que possible. Les saveurs trop prononcées ou trop exotiques, c'est connu, ça fait fuir les masses.

Je me demande donc si les autres médias sont pris avec le même problème: afin d'atteindre un vaste public de clients potentiels pour leurs annonceurs, ils doivent éviter les sujets trop recherchés, trop pointus. Sauf que le public, ce n'est pas un bloc homogène. Il y en a, des gens qui pourraient s'intéresser au jazz, au drone metal ou à la musique contemporaine pour rester dans le domaine musical. Dans le monde idéal, les médias généralistes s'adressent à ces gens-là aussi même si, comme tu le dis, ils ne sont pas très nombreux.

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jon8
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08 janv. 2019, 14:48

Loin de moi l'idée de faire de tout le monde des amateurs de jazz ou d'opéra, mais il me semble que les médias doivent faire en sorte que la culture soit accessible à tout le monde, spécialement si c'est de la culture plus pointue, qui peine a trouver son public.

Je me demande si le problème n'est pas dû, en partie, au poids de plus en plus important qu'ont les annonceurs. Quand j'entends la radio commerciale par exemple, j'ai l'impression que ce sont les chansons qui jouent entre les annonces au lieu du contraire. On diffuse de la pub et, entre deux spots publicitaires
Je sais pas je n'écoute pas la radio depuis des millions d'années et tout le monde que je connais en bas de 30 ans n'écoute la radio que si obligé (centre d'achat, en attente au téléphone, etc...) le mode de consommation a changé pas mal je pense..

Pour ce qui est des médias, je ne trouve pas qu'un Alain Brunet rend la culture plus accessible, c'est plutôt le contraire... Non seulement ont parle d'élitisme mais c'est de l'élitisme assumé et sans complexe.

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08 janv. 2019, 20:15

jon8 a écrit :
08 janv. 2019, 14:48
Pour ce qui est des médias, je ne trouve pas qu'un Alain Brunet rend la culture plus accessible, c'est plutôt le contraire... Non seulement ont parle d'élitisme mais c'est de l'élitisme assumé et sans complexe.
Quand je parle d'accessibilité, je ne parle pas du discours d'Alain Brunet - qu'il soit élitiste ou non - mais simplement du fait que grâce à lui, on trouvait, dans un journal lu par des milliers de lecteurs comme La Presse, des articles sur des musiciens évoluant dans des sphères autres que la pop mainstream: jazz, contemporain, électro... N'importe qui d'un peu curieux pouvait ouvrir le cahier culturel de ce journal et tomber sur un texte à propos de Wayne Shorter ou Vijay Iyer, par exemple. Pas besoin d'aller sur des sites web hyper-spécialisés que seuls les amateurs avertis consultent. Brunet rendait donc l'art de ces artistes accessibles à monsieur-madame-tout-le-monde. Ce qui est moins évident aujourd'hui.

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08 janv. 2019, 20:29

En ce qui concerne la radio, c'est peut-être un phénomène géographique. En région (comme où j'habite par exemple), elle me semble plus écoutée que dans ton coin de province.

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09 janv. 2019, 12:50

Quand je parle d'accessibilité, je ne parle pas du discours d'Alain Brunet - qu'il soit élitiste ou non - mais simplement du fait que grâce à lui, on trouvait, dans un journal lu par des milliers de lecteurs comme La Presse, des articles sur des musiciens évoluant dans des sphères autres que la pop mainstream: jazz, contemporain, électro... N'importe qui d'un peu curieux pouvait ouvrir le cahier culturel de ce journal et tomber sur un texte à propos de Wayne Shorter ou Vijay Iyer, par exemple. Pas besoin d'aller sur des sites web hyper-spécialisés que seuls les amateurs avertis consultent. Brunet rendait donc l'art de ces artistes accessibles à monsieur-madame-tout-le-monde. Ce qui est moins évident aujourd'hui.
Mon avis là dessus c'est que Brunet fait partie des ''moins payants'' d'une boite comme Lapresse, dans le sens qu'il n'y a pas de retour sur investissement, c'est pas rentable. Ce qui est rentable (probablement) c'est des Lagacé et l'autre Brunet pour le hockey. Ce qui veut dire deux choses: Lapresse est (était) prêt à perdre du fric pour étendre l'offre vers le niché ET le % de lecteurs vraiment intérressés est minime, malgré l'apparition front-page (home page/Lapresse+)...

Le niché, par définition, n'est pas l'ami du gros volume. Et pour garocher des chiffres au hasard, just for the sake of it, pour mettre une image à la patente:

mettons que 30% des visiteurs sont intéressés à lire Lagacé, 25% sont intéressés par le hockey, 12% sont intéressés à lire Paul Journet, 8% vont regarder les caricatures, pis là loin derrière y a le vin, l'art visuel, la musique, etc... avec sûrement moins de 1% chacun ou à peu près. (le vin boosté pendant le temps des fêtes et la musique pendant les festivals)...

Voilà ce que j'en pense vraiment.

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09 janv. 2019, 12:57

chibougue a écrit :
08 janv. 2019, 20:29
En ce qui concerne la radio, c'est peut-être un phénomène géographique. En région (comme où j'habite par exemple), elle me semble plus écoutée que dans ton coin de province.
Bon point.

Le bon vieux débat Urbain v.s. Région

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09 janv. 2019, 18:45

jon8 a écrit :
09 janv. 2019, 12:50

Mon avis là dessus c'est que Brunet fait partie des ''moins payants'' d'une boite comme Lapresse, dans le sens qu'il n'y a pas de retour sur investissement, c'est pas rentable. Ce qui est rentable (probablement) c'est des Lagacé et l'autre Brunet pour le hockey. Ce qui veut dire deux choses: Lapresse est (était) prêt à perdre du fric pour étendre l'offre vers le niché ET le % de lecteurs vraiment intérressés est minime, malgré l'apparition front-page (home page/Lapresse+)...

Le niché, par définition, n'est pas l'ami du gros volume. Et pour garocher des chiffres au hasard, just for the sake of it, pour mettre une image à la patente:

mettons que 30% des visiteurs sont intéressés à lire Lagacé, 25% sont intéressés par le hockey, 12% sont intéressés à lire Paul Journet, 8% vont regarder les caricatures, pis là loin derrière y a le vin, l'art visuel, la musique, etc... avec sûrement moins de 1% chacun ou à peu près. (le vin boosté pendant le temps des fêtes et la musique pendant les festivals)...

Voilà ce que j'en pense vraiment.
Ce que tu dis est vrai et je suis pas mal certain que tes pourcentages par rapport à ce qui intéresse vraiment les lecteurs de la Presse sont conformes à la réalité.

Sauf que moi - qui suis peut-être un dinosaure - je ne vois pas les choses en termes de "rentabilité". La notion de culture générale semble interpeller de moins en moins de gens et je trouve ça triste. La musique n'intéresse que 1% du public (et le jazz 0,06 % alors?)? Pour moi, ce n'est pas une raison de ne pas en parler. Au contraire! Je pense que tout le monde doit trouver son compte dans les médias généraux, même les extra-terrestres qui ont des goûts différents de la majorité. Sinon on se retrouve avec quoi? Un journal qui ne couvre que le hockey, la Voix et OD?

C'est la même chose dans le domaine de l'éducation: on veut être utilitaire, on tend à former des travailleurs efficaces au lieu de citoyens capable de réfléchir par eux-même. (Il ne faut surtout pas que les bonnes gens réfléchissent, ils risquent de remettre le monde qui les entoure en question!) Je suis, par exemple, de ceux qui croient à l'utilité du cours de philo obligatoire au cégep justement pour cette raison: il force les jeunes à réfléchir! 90% des collégiens s'en passeraient bien, mais il a raison d'être, ce cours.

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09 janv. 2019, 20:03

Pour en revenir à la musique, je suis pas mal certain que lors du prochain FIJM, si Alain Brunet n'est plus à La Presse, le pourcentage de jazz couvert par rapport aux autres musiques présentées dans le festival sera à peu près 0%!

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10 janv. 2019, 11:21

Sauf que moi - qui suis peut-être un dinosaure - je ne vois pas les choses en termes de "rentabilité". La notion de culture générale semble interpeller de moins en moins de gens et je trouve ça triste. La musique n'intéresse que 1% du public (et le jazz 0,06 % alors?)? Pour moi, ce n'est pas une raison de ne pas en parler.
Don't get me wrong: je comprend ton point de vue et moi aussi j'aimerais que les choses soient différentes dans la société... Sauf que, sauf que... Y a des limites -et c'est normal- à ce que les gens peuvent et veulent absorber comme info et comme contenu. Je ne crois pas que ce soit la responsabilité d'une compagnie privée que de faire ça si la clientèle n'est pas au rendez-vous. Là on tombe dans le service public, carrément. Maintenant, est-ce que c'est justifiable de mettre beaucoup d'énergie là dedans? Politiquement payant? 'pas sûr.

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10 janv. 2019, 21:28

jon8 a écrit :
10 janv. 2019, 11:21
Don't get me wrong: je comprend ton point de vue et moi aussi j'aimerais que les choses soient différentes dans la société...
Oh non! Je vois bien que tu constates l'état des choses sans nécessairement l'approuver.