Deerhunter - Why Hasn't Everything Already Disappeared?

par chibougue

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chibougue
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03 févr. 2019, 22:04

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En 2011, la chanteuse britannique PJ Harvey lançait un de ses meilleurs disques: "Let England Shake". Il s'agissait alors de son projet le plus politique. Elle y chantait les horreurs de la guerre et le dégoût que lui inspiraient les politiques belliqueuses meurtrières de sa propre patrie. Curieusement, alors qu'on la savait être une interprète passionnée et parfois même véhémente, elle chantait ces nouvelles compositions avec une retenue qu'on ne lui connaissait alors pas. Questionnée sur le sujet, elle répondit que chanter la violence avec trop d'ardeur la rendrait insupportable, que face à un tel sujet, plus de détachement était requis.

Il semble que Deerhunter ait adopté une stratégie similaire pour son dernier opus intitulé "Why Hasn't Everything Already Disappeared?". Non, Bradford Cox, le chasseur de cerfs en chef, n'a jamais été un chanteur aussi habité ou intense que Polly Jean Harvey, mais ce nouvel album, dont la production est plus léchée qu'à l'accoutumé, est un des plus pop de la formation à ce jour. Une approche qui contraste énormément avec le propos des chansons qui s'y trouvent: le regard que Cox porte sur l'ordre actuel des choses est du noir le plus noir. Est-ce pour qu'il se digère mieux, qu'on a couché ce récit d'une apocalypse annoncée sur des rythmes entraînants et de jolies mélodies?



Bradford Cox a emprunté le titre de l'album à celui d'ouvrage du philosophe français Jean Baudrillard: "Pourquoi Tout n'a-t-Il pas déjà Disparu?". L'être humain est en train de tout de détruire du monde dans lequel il vit et c'est même un miracle qu'il en reste encore quelque chose. L'expression "fade away" (disparaître, justement) revient dans les paroles de la moitié des pièces du disque. Cox se demande ce qui se passe avec les gens ("What happens to people? They quit holding on and they get locked out. Locked out."), cette humanité qui n'est même plus capable de dormir ("No one's sleeping. Great unrest. in the country, there's much duress. Violence has taken hold.") alors que la fin approche ("Curtain call for those lives spent surviving for that final day."). Glauque, avez-vous dit?

Curieusement, afin d'accompagner un propos aussi noir, le groupe a élaboré des musiques tout ce qu'il y a de plus colorées. La palette sonore est très large: pour étoffer le son de la formation rock traditionnelle (basse, guitare, batterie), Cox et ses compères ont ajouter à leur mélange des touches de clavecin, de synthé analogue, de piano, de saxophone, de clarinette, de mandoline, de marimbas... Cependant, l'effet obtenu est totalement différent de ce que PJ Harvey avait cherché à faire sur "Let England Shake". Ici, au lieu d'alléger la thématique très lourde, on créé un contraste qui déstabilise l'auditeur.

Dérouter ses fans, c'est un peu ce que Deerhunter fait depuis sa fondation il y a près de vingt ans. D'un disque à l'autre, le groupe-caméléon a changé de couleur musicale plus d'une fois: post-punk, psychédélique, shoegaze, garage... La bande s'est toujours assurée qu'on ne la retrouve pas où on l'attendait. Toutefois, avec "Why Hasn't Everything Already Disappeared?", elle se fait moins imprévisible. En fait, ce nouvel album continue le virage pop amorcé avec le précédent "Fading Frontier". Mais, même si les guitares n'ont pas retrouvé le mordant d'antan, Deerhunter ne s'est pas assagi pour autant. Son instrumentation touffue et ses arrangements inventifs rendent, à mon avis, ce disque plus intéressant que son prédécesseur.

Car elle regorge de bons moments, cette galette. "Death in Midsummer", "No One's Sleeping", "Element" et surtout la très belle "What Happens to People?" (ma préférée du lot) sont des joyaux pop qui ont été habilement ciselés. Les intermèdes plus expérimentaux que sont "Détournement", "Tarnung" et "Greenpoint Gothic" (cette dernière pièce évoque la période "Low" de Bowie) sont également jouissifs. De plus, le tout est agencé avec beaucoup de savoir-faire: il n'y a rien à redire sur l'ordre dans lequel ces morceaux se succèdent. Bref, on chante la fin du monde, mais on le fait avec classe! Un bon cru de la part d'un groupe qui n'a rien perdu de sa pertinence.


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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

26 mars 2019, 23:19

Je viens de jaser de ce disque de Deerhunter avec un ami et je me rends compte que parfois, je devrais peut-être attendre des mois avant d'écrire à propos d'un album. La thématique me plaît toujours, les arrangements sont inventifs, mais au final, ça manque un peu de sève. Ça fait un petit bout que je n'ai pas eu le goût de l'écouter, à vrai dire. Mon enthousiasme des premières écoutes s'est un peu éteint. Le contraire d'un grower, en ce qui me concerne.

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pezzz
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Inscription : 12 juin 2017, 13:35

29 mars 2019, 13:58

chibougue a écrit :
26 mars 2019, 23:19
Je viens de jaser de ce disque de Deerhunter avec un ami et je me rends compte que parfois, je devrais peut-être attendre des mois avant d'écrire à propos d'un album. La thématique me plaît toujours, les arrangements sont inventifs, mais au final, ça manque un peu de sève. Ça fait un petit bout que je n'ai pas eu le goût de l'écouter, à vrai dire. Mon enthousiasme des premières écoutes s'est un peu éteint. Le contraire d'un grower, en ce qui me concerne.
Quelques bonnes chansons, mais assez "plat" somme toute, comme un électrocardiogramme qui peine à décoller. Je suis rapidement retourné à Halcyon Digest, que je redécouvre avec énormément de plaisir.