Tim Berne et son Huile de Serpent

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

23 oct. 2017, 22:53

Ma blonde et moi sommes prêts à traverser bien des épreuves, bien des tourments l'un pour l'autre. Je me souviens de la fois où je l'ai amenée à un concert du saxophoniste Tim Berne et son groupe Snakeoil. Nous étions assis juste en face de Berne et de son clarinettiste Oscar Noriega qui nous envoyaient le feu de leurs notes discordantes (et leur salive!) en plein visage. Ma pauvre compagne était restée médusée devant ces musiciens qui se débattaient comme des diables dans l'huile de serpent avec leurs partitions à la fois complexes et chaotiques. Il faut dire que je lui en devais bien une: elle m'avait amené à un spectacle de Michel Louvain l'année précédente.



Pour revenir à Snakeoil, j'ai accroché à leur proposition dès leur premier album éponyme paru en 2012. Je découvrais un quatuor (en plus de Berne et Noriega, la formation compte dans ses rangs le batteur Ches Smith et le pianiste Matt Mitchell) qui apportait un souffle original et rafraîchissant dans le petit monde du jazz contemporain. Même si elle laisse de la place pour l'improvisation, la musique que Berne compose pour le quatuor est très écrite. Son côté labyrinthique et imprévisible me fait surtout penser à l'univers de Frank Zappa. Elle s'inspire également de la musique de chambre des compositeurs du vingtième siècle (l'école de Vienne, notamment) et du free jazz le plus furieux. Un beau monde tout en contrastes, quoi!

"Shadow Man", la deuxième offrande du quartet m'avait un peu moins impressionné. J'y trouvais la musique du groupe un peu lourde et j'avais l'impression que ses méandres sinueux n'en finissaient plus de tourner en rond. Par contre, je classe encore "You've Been Watching Me", le troisième album du groupe, au sommet de sa courte discographie. L'ajout du guitariste Ryan Ferreira y est pour quelque chose. Grâce à son travail sur la texture sonore, la musique de Snakeoil penchait davantage du côté des ambiances mystérieuses remplies de tension et devenait plus cinématographique.



ECM vient de faire paraître un quatrième album de Snakeoil intitulé "Incidentals". Il a été enregistré lors des mêmes sessions que "You've Been Watching Me". Boum créatif intense pour Berne et ses sbires! On retrouve donc encore le quintet dans lequel sévit la guitare de Ferreira. Son jeu est encore très atmosphérique, mais il se permet quelques attaques plus corsées de temps à autres. Comme nous avons droit, une fois de plus, à une musique hautement imprévisible, ses collègues sont tout aussi versatiles.

Noriega et Mitchell impressionnent comme toujours (surtout ce dernier qui est un des pianistes les plus techniquement solides de sa génération), mais je trouve que le très imaginatif Ches Smith tire particulièrement son épingle du jeu sur "Incidentals". Tirant le maximum de couleurs d'un kit de percussions très étendu, il peut tantôt parler aux fées avec des sons de clochettes ténus comme l'air, tantôt donner naissance à un cataclysme dont l'intensité serait difficilement mesurable sur l'échelle de Richter.

Bien sûr, Tim Berne lui-même n'est pas en reste. La musique qu'il écrit a beau être cérébrale, il la joue avec beaucoup de passion. Lorsqu'il atteint ces sommets émotionnels, je ferme les yeux et je peux le voir en train de jouer son saxophone dans un donjon dont les murs s'écroulent, dont les couloirs se remplissent d'eau. Il est debout, imperturbable et les sons enflammés qui sortent de son instrument traversent le déluge en suivant les chemins sinueux du labyrinthe qui s'affaisse pour se rendre jusqu'à nous.

Berne, le compositeur, brille également de tous ses feux sur ce disque. Ses compositions complexes sont remplies de surprises. Ce sont de véritables montagnes russes sonores qui nous font vivre des sentiments très forts. Le calme céleste côtoie le pure chaos. J'avoue avoir une préférence pour les moments plus paisibles comme ceux qui ouvrent l'album ou les drones spatiaux de la pièce intitulée "Sideshow". D'ailleurs ce morceau de vingt-six minutes est un parfait condensé du monde de Tim Berne. On y retrouve tout ce qui caractérise sa musique étourdissante et encore plus!

Je vous entends déjà me demander ce que mon amoureuse pense de cet album. Pour dire vrai, je n'ai pas oser le faire jouer en sa présence. J'ai trop peur qu'elle me sorte ses compilations de Michel Louvain pour se venger!



https://www.ecmrecords.com/catalogue/14 ... s-snakeoil

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Verbo
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25 oct. 2017, 11:16

Ok , tu habites Chibougamau et tu viens à Montréal avec ta conjointe quelques fois par année et si tu en as la chance du vas voir des concerts de jazz ? Puis elle , plus du populaire ?

Parfois ensemble aussi ? Mais chacun son jardin non pas secret mais avoir un peu ses propres trucs au niveau musical ?

Ta relation non pas avec ta conjointe mais Tim Berne commence quand déjà ? En quelle année ? Pour les deux concerts que tu parles c'était où cela et incluant celui de Louvain. Pas au Dix-30 pour le beau Michel ? Il demeure tout proche, ai-je lu. Je l'ai jamais rencontré mais d'autres oui dont ma soeur. Pour un souvenir plus lointain près de 29 ans en arrière, une consoeur de Cégep travaillait avec lui et les exigences de Monsieur Louvain l'énervait. Oui, c'est un perfectionniste, sa chemise disons doit être parfaite, son micro et tout.

Eh oui, ta conjointe pourrait nous écrire une chronique sur Michel Louvain ? Et aimait-t-elle Pierre Lalonde aussi ?

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chibougue
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25 oct. 2017, 12:26

Salut Verbo. Quelques réponses:

Nous allons à Montréal une ou deux fois par année. Pour les concerts en couple, depuis que nous avons des enfants. c'est moins évident.

J'ai découvert Tim Berne avec le premier album de Snakeoil en 2012. J'ai remonté le fil de sa carrière par la suite.

Pour Louvain, c'était à Sherbrooke. Particulier: le show était commandité par la coopérative funéraire de la place. Quand on connaît l'âge moyen du public de Louvain... Spécial...

Oui, elle aime aussi Pierre Lalonde. Ensemble, nous ratissons très large!

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VanBasten
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25 oct. 2017, 18:24

Michel Louvain, Tim Berne et feu Pierre Lalonde quand même un combo décoiffant, le mieux que j'ai pu offrir fut dans une ancienne vie une analogie entre le boxeur Acelino Freitas et France Beaudoin.

Très bon texte, va falloir que je dégote le dernier, j'ai des bons souvenirs des visites du monsieur dans nos contrées que ce soit à la Casa ou me semble au Gésù ?

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chibougue
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25 oct. 2017, 18:51

Merci VanBasten. Dans mon cas, c'était bel et bien au Gésù.

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chibougue
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26 oct. 2017, 06:03

Bon texte de Chris Haines sur le blogue du Free Jazz Collective ce matin:

http://www.freejazzblog.org/2017/10/tim ... -2017.html

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Verbo
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26 oct. 2017, 09:19

Oui en survolant j'aime cela aussi ce genre, ce style. Mais pas juste en te lisant ou avec les vidéos. Ce serait plus quoi moi qui me ferait accrocher? Un concert à la radio par exemple bien que c'est de plus en plus rare, la CBC Radio 2 ou ce qui était Espace Musique maintenant Ici Radio Canada Musique en avait quelques-uns. Avec ton radio que tu laisses jouer cela ne te déplaît pas ? Tu es occupé aussi mais tu peux écouter en masse, tu es disponible pour que la radio joue...

Mon concert peut aussi être un peu plus populaire ou pas, celui une année je faisais mes déclarations de revenus personnelles et elles ne sont pas archi-complexes, tu as besoin d'une certaine attention mais les deux font synergie. C'était un concert de Terez Montcalm. Mais je n'ai pas acheté ses albums pour autant ? Non mais je l'ai réentendu à la radio ou en entrevue. Je le savais déjà que je l'aimais aussi mais vraiment bon son concert.

Ce peut être un article de journal, une entrevue. Si Ahmad Jamal je suis allé le voir c'est grâce à l'entrevue d'Alain Brunet mais même cela ce n'était pas suffisant, c'était de continuer à en parler sur le blogue, on est rendu la journée même. Il y aura des billets ? Bien je vais sur le site je crois de la Place des Arts et il y en a... Peut-être sur le blogue avant ou après je lis des choses sur des gens qui aiment mieux être placés au parterre. Il y a le prix des billets mais non monsieur ce ne sera pas un problème, on casse le petit cochon pour vous (métaphore bien que j'en ai encore un mais je ne mets pas de sous dedans, on casse cela et on va vivre une belle soirée). Au Théâtre Maisonneuve j'étais encore plus haut pour Diane Tell et parfait au final pour sa partie. Pour Ahmad Jamal son concert était un peu court mais une leçon de maître pareil et Alain disait la même chose dans son titre.


http://www.lapresse.ca/arts/festivals/f ... -jamal.php


Alain est l'entremetteur. C'est ce que dit Ahmad Jamal, c'est pas juste sa musique, c'est sa profondeur, sa spiritualité même, cet homme est intéressant et mérite d'être vu. Mais oui à la radio avant de quitter pour me rendre, j'entends encore Alain Brunet le vante. J'arrive, j'arrive et j'ai pas vraiment peur, il va rester des billets, pas énormément et je vais être là assez tôt je vais souper avant et je passe acheter mon billet. Bien oui à un autre théâtre l'hiver passé j'ai acheté mon billet de la maison. Lui sur place.


Le repas au Frites Alors ! Et même les jeunes femmes faisant de la promo pour Axe sur le boulevard René-Lévesque. Les pubs étaient ratoureuses... Pour sur la rue ? C'est juste drôle. Non ce n'est pas vraiment l'exploitation de la femme. Les pubs télés un peu superficielles et non je n'aurais pas acheter cela, bien que présentement c'est mon désodorisant. Je pense pas du tout que tu pognes plus ou moins avec le leur qu'un autre. Il est juste le plus pratique et l'odeur m'est agréable, un peu cher mais meilleur à mes yeux. Pour le gel douche, c'est d'autres que j'achète.

Chez Frites Alors ! Deux gars, deux hommes et plus jeune que moi vont eux aussi au concert d'Ahmad Jamal, tu vois que cela va être diversifié comme public. Ce ne sera pas l'âge d'or au complet dans la salle. Ils ne seront pas assis avec moi et où je vais être on sera un peu tassés mais sans aucun problème et tu vois en masse bien quoique je voyais encore mieux à celui de Diane Tell. Et j'ai pas besoin d'être collé sur Diane, je l'ai déjà rencontrée en personne. Je veux une vision panoramique et le jeu de lumières est sublime en plus. Et même de loin cela peut sublimer encore plus l'artiste. Bon mais je l'avais vu avant en 2005 et dans trois concerts.

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Verbo
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26 oct. 2017, 09:42

Tes textes semblent très bien et la chronique aussi mais pour quelqu'un qui a fait le cheminement qui les connaît déjà, moi je sais que j'aime le genre. Mais je n'ai pas de lien , de bond comme disent en anglais des athlètes en sports d'équipe. Le lien est déjà fort chez vous.

Bon mais moi je peux écrire mes impressions de départ à la place ou pour un lien tu remontes des 37 ans, des 42 ans en arrière. Imaginons avec Ginette Reno ? Bien oui.

Ou avec Roger Giguère, mais ce n'est pas Mr Tranquille que j'aimais, c'est le Général Itof et Midas et pourtant j'aimais plus ou moins Patof, il reste que ma mère m'avait acheté une boîte à lunch Patof en maternelle. Et qu'est-ce qui est fascinant ? Patof a lui aussi une boîte à lunch Patof qui en a une lui aussi et encore et encore, le principe des poupées russes jusqu'à l'infini. Puis Roger dans les Tannants aussi et même avec la piscine kétaine ou pas on s'amuse dans le sous-sol nous enfants avec un jeu avec une cible. Un lit pas loin, un escabeau et si je touche la cible ma soeur se garroche sur le matelas quasiment un saut à la Jimmy Superfly Snuka ou autres lutteurs acrobates (mais eux c'est 6 à 8 ans plus tard ).





Un peu avant nous Midas mais il était encore là dans l'émission ou des enregistrements circulent.

Vers la fin des Tannants, on trouve que c'est le temps que Roger parte mais pas à ce point là... Ils auraient pu le faire revenir ou pas juste Gilles Carle ou pour Latulippe mais pas grave, il a connu ses heures de gloire.

Patof, Monique Giroux elle l'aime mais je pense qu'elle a quelques années de plus que moi et cela peut faire toute la différence. C'est comment tu reçois tel artiste ou personnage et à tel âge.

Mr Tranquille, une ou deux pareil. J'aime son caractère et je l'aime pas en même temps. Du moins à l'époque, c'est trop.



On aime son côté déjanté et on aime que le personnage puisse se mettre en colère mais Roger comme vers la fin , beurre trop épais. On approche le cabotinage. Mais il a un grand talent de personnage comique. Il faut juste le canaliser. Ce n'est pas un comédien de formation, c'est un bruiteur comme son père et un talent naturel.

Je l'aime en musique même si c'est simple :



On l'aime beaucoup mais on peut venir à avoir des réserves. Pas grave, il reste une icône même si je suis plus Radio-Canada que le Canal 10, enfant.
Dernière édition par Verbo le 26 oct. 2017, 09:52, édité 1 fois.

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Verbo
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26 oct. 2017, 09:52

chibougue a écrit :
26 oct. 2017, 06:03
Bon texte de Chris Haines sur le blogue du Free Jazz Collective ce matin:

http://www.freejazzblog.org/2017/10/tim ... -2017.html
Je crois que ce texte est meilleur à mes yeux pour une personne ayant déjà écouté l'album minimum une fois et encore mieux trois fois.

Et c'est un des rôles de la critique aussi cela, tu vas écouter un album qui t'attire et tu l'aimes et ensuite tu vas confirmer. Mais cela peut être le biais de confirmation ? En masse.

Tu fais l'inverse ? Tes propres schèmes, préjugés ou autres jouent. Et c'est possible aussi que ce texte amène des gens à l'album, il n'y a pas qu'une démarche possible.

Même pour Alain Brunet, je peux lire un texte, il ne me donne pas forcément envie d'aller écouté l'album , pour une chronique donnée mais d'autres te donnent envie d'aller écouter l'album. Tu retournes à son texte mais musicalement c'est exactement cela ou pas mal cela, sa description est pas mal, pas mal juste. C'est descriptif alors ce peut être insuffisant pour te donner envie. Il peut apprécier aussi mais pour le savoir, il faut que tu l'écoutes à ton tour. À la radio ou à la télévision ? Il y a des courts extraits. Non mais avec Alain tu apprends ou révise un vocabulaire et pour certains mots, il a sa propre définition , peut-être pas unique à lui quand même mais pas la même que la majorité. Alors il faut savoir lire entre les lignes. Ou comprendre son point même si on emploierait un autre terme.