Avishai Cohen - Cross my Palm with Silver

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

26 juin 2017, 20:27

Cross my Palm with Silver, le dernier album du trompettiste israélien Avishai Cohen, ne m'aurait guère plu il y a quelques années. J'aurais trouvé suspecte la filiation (trop?) directe entre le jeu des trompettistes cool jazz - Miles Davis et Chet Baker en tête - et celui de Cohen. Quoi? T'es pas capable d'avoir un son bien à toi, mec? Ce n'était pas tenir compte du fait que l'influence d'un dieu comme Davis à la trompette (c'est la même chose pour Coltrane au sax), on n'en sortira probablement jamais.

À vrai dire, Miles Davis est l'idole avouée de Cohen. Les deux musiciens partagent un souffle aux accents mélancoliques et nostalgiques dans lequel on peut déceler une personnalité plus impétueuse. Sous la surface bleu triste, les eaux bouillonnent. Et ça cadre à merveille avec le propos de cet album qui se veut très politique. Les titres parlent d'eux même. "Will I Die, Miss? Will I Die?" sont les mots qu'a dit un enfant syrien à une infirmière suite à une attaque chimique meurtrière. "Theme for Jimmy Greene" est un hommage à la fille du saxophoniste Jimmy Greene, décédée dans une tuerie ayant éclaté à l'école primaire qu'elle fréquentait. Une autre pièce s'intitule "Shoot Me in the Leg"... Pas jojo!

Sur les deux derniers titres mentionnés, Cohen atteint des sommets d'intensité. À ces moments, son approche fait mouche de façon impressionnante. On sent très bien la colère qu'il ressent face au monde violent dans lequel nous vivons. Son phrasé plus mélancolique permet toutefois de mettre du baume sur les plaies. La colère est exprimée, mais avec ce qui à défaut d'être de la consolation est de la résignation.



Les forces en présence font très bien leur travail. Le pianiste Yonathan Avishai plane quelque part entre swing jazzy et impressionnisme. Son introduction pour "Shoot Me in the Leg" est sublime. Nouveau venu dans ce quartet, Barak Mori remplace Eric Revis à la contrebasse. Son jeu sert souvent de point d'ancrage rythmique à la musique, mais joue ce rôle avec beaucoup de souplesse. À la batterie, Nasheet Waits est toujours inventif. Quelle belle utilisation des cymbales! Puis, il ne faut pas oublier monsieur ECM, Manfred Eicher, qui, derrière la console, fait encore des merveilles. On a droit une fois de plus à la pureté légendaire du son ECM. Un son qui a ses détracteurs (qui lui reprochent d'être trop froid) mais que j'adore.

Tout ça est là pour magnifier les compositions d'Avishai Cohen. Puisque c'est bien de ça qu'il s'agit. Cohen est décidément lui-même sur ce disque. Sa trompette évoque celles de ses prédécesseurs sans les calquer bêtement. Et cette rage contre l'inhumanité qui l'anime, cette empathie aussi, elles n'appartiennent ni a Miles Davis, ni à Chet Baker, mais bien au très talentueux Avishai Cohen.



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