John Zorn - Midsummer Moons

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

17 juil. 2017, 11:45

Le nom de John Zorn restera toujours associé aux années quatre-vingt-dix. On découvrait alors un iconoclaste musical, un briseur de conventions dont les innovations excitaient les mélomanes en quête de nouveauté. Son omniprésence faisait qu'on le qualifiait de pape de la musique actuelle. C'était (et c'est toujours) un des invités les plus réguliers du FIMAV. Pour une partie de ces mélomanes, cependant, Zorn et la scène dont il était la figure de proue ont mal vieilli. C'était excitant au siècle dernier, mais maintenant, ça tourne en rond et devient poussiéreux.



De mon côté, je préfère voir en Zorn un type ayant fait ses preuves, un des grands créateurs de notre époque qui continue aujourd'hui l'édification d'une oeuvre toujours digne d'intérêt. Zorn étant un bourreau de travail, cette oeuvre est extrêmement foisonnante, ce qui le rend un peu difficile à suivre. Je n'achète donc pas tous ses disques, mais je m'en procure un de temps en temps histoire de voir où le bonhomme est rendu.

La dernière fois, c'était l'an passé avec l'excellent Flaga, vingt-septième chapitre de sa série Book of Angels, un disque sur lequel trois très grosses pointures du jazz d'aujourd'hui - le pianiste Craig Taborn (un des mes préférés), l'hallucinant batteur Tyshawn Sorey et le contrebassiste Christian McBride - reprenaient des pièces d'inspiration juive composées par Zorn. Cet album demeure un des mes albums jazz favoris des dernières années.



Maintenant, c'est le concept derrière Midsummer Moons qui a tout d'abord piqué ma curiosité: des compositions inspirées par différentes allusions à la lune se trouvant dans les pièces du maître de tous les bardes: William Shakespeare en personne. Ayant moi-même fait du théâtre et travaillé à la (très modeste) mise en scène de deux oeuvres du grand Will, j'étais intrigué. De plus, le choix des musiciens convoqués par Zorn pour ce projet a également piqué ma curiosité.

Deux guitaristes. Tout d'abord, Julian Lage. Un prodige qui a commencé sa carrière professionnelle à l'âge de dix-sept ans (il en a maintenant autour de trente) et qui a impressionné des sommités guitaristiques telles que Jim Hall et Nels Cline. Puis Gyan Riley (fils du célèbre compositeur Terry Riley), un autre guitariste surprenant qui commence à jouer dans les même plates-bandes qu'un Marc Ribot par exemple. Les deux se la jouent acoustique sur ce disque qui ne ressemble à rien de ce que je connaissais déjà dans l'univers de Zorn.

Bien sûr, en faisant appel à de tels virtuoses, Zorn savait ce qu'il faisait. Ses partitions sont faites pour être jouées par des musiciens de ce calibre. On a affaire à ce que j'appellerais de la "musique de tireux" avec les quelques irritants qui viennent avec. Du moins, en ce qui me concerne. Jouée par des musiciens jazz, cette musique ne me cause aucun problème, mais les guitares, me donnaient parfois l'impression d'entendre des morceaux bucoliques de vieux prog. Un genre qui me donne généralement de l'urticaire.

Pourtant, je reviens encore à ce disque de temps à autres. C'est qu'on y retrouve de bien belles mélodies. On pouvait d'ailleurs dire la même chose du projet Flaga l'an dernier. Zorn est un mélodiste de talent. Une autre corde à son arc qui en compte déjà plusieurs. C'est un autre aspect que j'aime de Midsummer Moons: le fait qu'après tant d'années, Zorn continue d'y défricher de nouveaux terrains.

Bref, Midsummer Moons n'est pas une galette mémorable, ni une oeuvre très marquante dans la très volumineuse discographie de John Zorn. On y trouve tout de même de la bien jolie musique (Est-ce que je viens vraiment d'associer le qualificatif "joli" à la musique de Zorn?) à écouter de préférence la nuit, en regardant la lune par la fenêtre ouverte lors d'une chaude nuit d'été.