À la fin des années quatre-vingt, l'arrivée de Jean Leloup fut un réel électrochoc dans le paysage musical québécois et dans ma vie d'adolescent déjà mélomane. Avec Richard Desjardins qui se faisait connaître du grand public à la même époque, il brassait la baraque et nous montrait que dans le domaine de la chanson à texte faite au Québec, il existait finalement autre chose que les sempiternels Rivard, Piché et Séguin. Ah Leloup... Nous n'avions pas vu personnage aussi fou braque depuis le jeune Charlebois et son Osstidcho,
Après un premier album à la réalisation trop proprette, paraissaient "L'Amour et Sans Pitié" (1990) et "Le Dôme" (1996) qui demeurent aujourd'hui deux grands disques. Après, ce fut un peu plus à l'image de l'imprévisibilité de l'artiste: inégal. Mon pote Martin m'a un jour fait remarqué que le Jean est devenu moins intéressant à partir du moment où il s'est mis à s'accompagner de sa guitare et de se perdre dans des jams qui n'en finissaient plus. Pas faux. Il fallut attendre des décennies, jusqu'à "Paradis City" en 2015 en fait, pour avoir un album du mec qu'on pouvait apprécier d'un bout à l'autre sans se lasser.
Il y a quelques jours, l'annonce de la parution-surprise d'un nouvel album sur lequel Leloup s'exécuterait fin seul accompagné de sa guitare me laissait dubitatif. Allions-nous avoir, encore une fois, droit à des improvisations qui s'étirent jusqu'à péter l'élastique de notre intérêt? Nenni! Nous trouvons plutôt un Jean Leloup qui fait passer ses compositions avant le plaisir de les jouer. Et quelles compos! Pus mature que jamais (à près de soixante ans, c'est temps, j'imagine) il chante la vie, la mort, la quête de sens et l'héritage laissé par ses parents. Les mots (il y en a beaucoup...) sont diablement bien agencés et déclamés par cette voix inimitable qu'une guitare juste assez rudimentaire accompagne à merveille. Du gros stock!
À mon sens, ce disque enregistré un peu partout autour du globe est, après ses deux grands crus des années quatre-vingt-dix, sa troisième oeuvre maîtresse. Et vous, qu'en pensez-vous?
En écoute sur bandcamp: