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Éliane Radigue - Occam Ocean II

Publié : 08 janv. 2020, 19:07
par chibougue
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La musique contemporaine? Une majorité de gens ne soupçonne même pas son existence et ceux qui ont une petite idée de ce que le genre propose ont la perception que cette musique est froide, compliquée, hermétique. Le drone? La plupart des personnes interrogées à ce sujet risque de répondre qu'il s'agit de petits robots volants.

Tout ça est bien loin de la philosophie du moine franciscain Guillaume d'Ockham (1285-1347) selon laquelle la meilleure option est toujours la plus simple. Le penseur a donné son nom au plus récent projet de la compositrice française Éliane Radigue (née en 1932), une pionnière de la musique drone, genre qu'elle pratique depuis la fin des années soixante. Pendant des décennies, c'est avec l'aide de son synthétiseur Arp 2500 qu'elle a créé ses très longs paysages électroniques. Une quête de la sonorité pure qui relève de l'ascèse spirituelle.

Au tournant du millénaire, à un âge où plusieurs ont pris leur retraite depuis un bon bout, madame Radigue a choisi de plonger dans l'inconnu: de changer d'approche en se mettant à composer pour des instruments acoustiques. C'est en 2011 qu'elle se lance dans la grande aventure du projet qui l'occupe maintenant: Occam Ocean. Dans le cadre de cette entreprise un peu spéciale, elle rencontre des musiciens qui viennent la visiter chez elle. Elle échange longuement avec eux, surtout à propos de la relation qu'ils entretiennent avec leur instrument. Par la suite, elle leur transmet des instructions oralement. Ces instructions deviennent la composition qu'elle leur dicte, une composition malléable puisque l'instrumentiste a assez de latitude pour prendre ses propres décisions dans le cadre de ce canevas non-écrit.

En 2017, paraissait l'album Occam Ocean I qui regroupait des oeuvres de musique de chambre qui s'inscrivait dans ce continuum: des compositions pour instrumentistes solo, mais aussi des duos et des trios. La presse spécialisée avait accordé des critiques élogieuses à ce disque. Jusqu'à l'exigeant Guardian qui lui avait décerné la note parfaite de cinq étoiles. Suite à ce succès, Frédéric Blondy, directeur de l’Orchestre de Nouvelles Créations, Expérimentations et Improvisation Musicales (l'ONCEIM), s'attela à la tâche ardue de convaincre madame Radigue de composer sa première oeuvre pour grand ensemble.

La musicienne céda et se lança dans l'élaboration d'Occam Ocean II. Comme elle le fit pour les compositions précédentes, elle organisa des rencontres avec chacun des musiciens de l'ONCEIM individuellement, mais aussi en petits groupes par familles d'instruments. L'album qui résulte de ces conversations est une réussite sur toute la ligne. À plus de quatre-vingts ans, Éliane Radigue signe une oeuvre qui deviendra, d'après moi, une pièce maîtresse du répertoire drone.

Pauline Oliveros - une autre pionnière du genre - avait développé le concept de "deep listening". Afin d'apprécier le retentissement des bourdons que des musiciens tels que elle et Radigue conçoivent, il faut effectivement écouter en profondeur. C'est de cette façon qu'on peut goûter pleinement toutes les couches sonores qui se déroulent devant nos oreilles. Croyez-moi, il y a moyen de se perdre dans les textures que nous offre cette nouvelle oeuvre de la compositrice française et de ne plus vouloir retrouver son chemin.

On pourrait comparer cette musique à un bon vin qui impressionne par sa complexité et sa longueur en bouche. D'ailleurs, à l'instar de toutes les pièces conçues précédemment par Radigue, celle-ci se développe trrrrrès lentement. L'auditeur peu familier risque de trouver Occam Ocean II très statique alors que pour peu que l'on considère cette compostions dans son ensemble, on distinguera des phases se succédant au rythme des sonorités qui se succèdent.

Dans cette lente marée sonore, les instruments utilisés par les musiciens en présence ne sont pas toujours identifiables. On pourrait même croire qu'Éliane Radigue a toujours recours à sa lutherie électronique alors que ce n'est pas le cas. Nulle froideur à l'horizon, pourtant! Au contraire, Occam Ocean II est une des oeuvres drone les plus lumineuses qu'il m'ait été donné d'entendre. C'est peut-être à cause de l'approche remplie d'empathie qu'a adoptée la compositrice lors de sa création, mais s'en dégage une chaleur qui fait du bien à l'âme en ces longs mois d'hiver.

La simplicité préconisée par Guillaume d'Ocham aura inspiré à madame Radigue une de ses plus belles créations!


Re: Éliane Radigue - Occam Ocean II

Publié : 08 janv. 2020, 19:18
par jon8
Je vais vraiment devoir écouter ça...


Je suis fan fini du genre ambient, mais j'avoue que le drone comme tel, j'en ai beaucoup moins dans ma biblio musicale.

Ce que j'écoute le plus régulièrement qui s'approche de ça c'est Tetsu Inoue, Biosphere et certains albums de Pete Namlook, Alio Die et Anthony Rother...

Re: Éliane Radigue - Occam Ocean II

Publié : 08 janv. 2020, 19:20
par jon8
Le montréalais Vromb aussi, j'oubliais.

https://rateyourmusic.com/artist/vromb


Pas du drone selon RYM, mais j'ai des albums qui semblent incorporer pas mal de ça

Re: Éliane Radigue - Occam Ocean II

Publié : 08 janv. 2020, 21:35
par chibougue
jon8 a écrit :
08 janv. 2020, 19:18
Je vais vraiment devoir écouter ça...


Je suis fan fini du genre ambient, mais j'avoue que le drone comme tel, j'en ai beaucoup moins dans ma biblio musicale.

Ce que j'écoute le plus régulièrement qui s'approche de ça c'est Tetsu Inoue, Biosphere et certains albums de Pete Namlook, Alio Die et Anthony Rother...
Dans ta liste, je connais surtout Biosphere que je trouve très bien, Je vais devoir examiner le reste! :excellent: