Page 1/1

Marissa Nadler - For my Crimes

Publié : 24 oct. 2018, 20:35
par chibougue
Image

C'est avec l'album "July" que je suis tombé sous le charme de la chanteuse américaine Marissa Nadler en 2014. Cette chansonnière est souvent cataloguée dans le rayon "gothic-folk". Une catégorie qui ne rime en rien inventée par de critiques désireux de se rendre intéressants? Pas vraiment. Il est vrai que l'approche americana qu'elle préconise fait d'elle une artiste que l'on peut qualifier de folk mais, à cause des sujets généralement sombres qu'elle aborde et des ambiances nocturnes qu'elle aime conférer à ses chansons, le terme "gothique" lui sied également.

Madame Nadler avait confié la réalisation de "July" à Randall Dunn, un type qui a surtout bossé avec des groupes lourds tels que Sunn O))), Earth ou Wolves in the Throne Room. À mon avis, Dunn est d'ailleurs - avec Scott Ballou de Converge - un des réalisateurs le plus chevronnés sur la planète metal. Ce collaborateur inattendu avait réussi à magnifier le côté obscur de la chanteuse dont l'album était une des plus belles réussites. Deux ans plus tard, elle retrouvait le bonhomme sur "Strangers", un autre bon coup. Cette fois-ci, Dunn (avec l'aide du violoniste Eyvind Kang) avait paré les chansons de la dame d'arrangements plus fournis qu'à l'habitude. En résultait son disque le plus "habillé" à ce jour.

J'avais hâte de voir de quoi serait fait l'après Randall Dunn pour Marissa Nadler, quelle direction elle allait prendre au sortir de cette rencontre. "For my Crimes" marque, pour la chanteuse, un retour à la maison car après deux albums créés dans les studios Avast à Seattle, repère de Dunn le poilu, elle a enregistré ce nouveau disque au Massachusetts où elle réside. Il s'agit également d'un retour aux sources du point de vue musical puisqu'elle a choisi de revenir à un son plus intimiste et de laisser derrière elle les ornementations sophistiquées élaborées par le réalisateur. Est-ce un pas en arrière comme s'en désolent certains critiques sur le web? En ce qui me concerne, non.



C'est que même si sur le plan stylistique, Nadler semble retourner sur des terrains qu'elle a déjà foulés, elle n'a cessé de peaufiné son écriture. En fait, les chansons de ce "For my Crimes" sont plus abouties que ce qu'elle nous a offert par le passé. Elles n'auraient pas déparé sur un album d'un monstre sacré de l'americana comme Johnny Cash ou Patsy Cline, par exemple. Oui, ces mélodies ont un petit quelque chose de suranné qui, accolé au côté sombre de la demoiselle, fait qu'elles seraient également à leur place dans la trame sonore d'un film de David Lynch, un cinéaste que la chanteuse admire et qui, lorsqu'il se fait musicien loge à la même enseigne qu'elle: les disques Sacred Bones.

Dans ce joli bouquet de fleurs noires, certaines se démarquent particulièrement: la très belle "I can't Listen to Gene Clark Anymore" sur laquelle on entend les choeurs de Sharon Von Etten, "Flame Thrower" que vient agrémenter le jeu de la violoncelliste Janel Leppin (la seule présence de cette musicienne donne à l'album une tout autre couleur), la poignante "For my Crimes" sur laquelle c'est nulle autre qu'Angel Olsen qui joue à la choriste, et surtout "Blue Vapor", la pièce la plus enlevée de l'ensemble grâce à la batterie de Patty Schemel de Hole. Font également partie de l'aventure la harpiste Mary Lattimore, la bassiste Eva Gardner et la chanteuse Kristin Kontrol. Oui, il y a beaucoup de filles à bord!



Côté textes, Marissa Nadler est de plus en plus une raconteuse d'histoires. Sur la pièce qui donne son titre à l'album, par exemple, elle se met dans la peau d'un condamné qui se sait sur le point de mourir et qui espère qu'on retiendra autre chose de lui que les crimes qu'il a commis. La filiation avec un Johnny Cash qui personnifiait souvent des prisonniers et des laissés-pour-compte est directe. Le grand livre de la chanson americana continue de s'écrire.