Those who Walk Away - The Infected Mass

par chibougue

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chibougue
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Inscription : 24 mai 2017, 11:45

13 juin 2017, 21:07

Pour mes premiers textes sur le merveilleux site des Hédonistes, je vais faire un peu de rattrapage et parler d'albums parus plus tôt cette année. Je commence avec un disque qui m'a donné froid dans le dos et dont le sujet n'est pas nécessairement très jojo: The Infected Mass de Those Who Walk Away, pseudonyme derrière lequel se cache le compositeur manitobain Matthew Patton.

Au cégep, mon prof de philo nous avait un jour joyeusement balancé: "L'être humain n'a qu'une seule certitude quant à son avenir: c'est qu'il va mourir un jour." Faire réfléchir un ado (et les gens en général, ma foi) n'est pas une tâche facile, surtout quand il s'agit de nous faire prendre conscience qu'à un moment donné, nous ne serons plus là. On dirait que tout le bruit qui nous entoure concourt à nous faire éviter le sujet.

Depuis l'an dernier, sont parus quelques disques d'artistes qui ont tenté de se faire un chemin dans ce bruit et ces distractions afin d'aborder de front le sujet de la mort: Skeleton Tree que Nick Cave a enregistré suite au décès de son fils, A Crow Looked at Me de Mount Eerie sur lequel Phil Elverum réagit à la disparition de sa conjointe Geneviève Castrée et deux oeuvres sidérantes de chanteurs qui nous ont parlé de leur face à face avec la Faucheuse: les derniers de David Bowie et de Leonard Cohen.

The Infected Mass s'inscrit dans cette lignée puisqu'il s'agit d'un requiem à la mémoire du frère de Matthew Patton décédé dans un accident d'avion. La musique, créée en deux temps en Islande et à Winnipeg, y est sobre et d'une grande beauté. D'un côté, nous avons les cordes calmes et sereines des musiciens canadiens et de l'autre les cordes et choeurs fantômes (la pochette parle de "ghost violin", "ghost cello", "ghost choir"...) enregistrés en Islande. Les sons "fantômes" semblent, en effet, nous parvenir de l'autre côté d'un miroir. On dirait les voix de disparus qui veulent nous indiquer qu'ils sont toujours présents.

Cela apporte un côté réconfortant à une oeuvre qui ne l'est pas toujours. Patton a eu l'idée d'incorporer des enregistrements de conversations de cockpits d'avions qui se sont écrasés par la suite. Entendre ces personnes qui ne savaient pas qu'elles allaient mourir m'a glacé le sang. Troublant. De quel droit le compositeur a agi de la sorte? Difficile à dire, mais au final, l'ajout de ces voix augmente la charge émotive de l'oeuvre. Rendre la mort aussi concrète donne à ce requiem un sens beaucoup plus fort. Quand le disque se termine, la réflexion, elle, ne fait que commencer.

Cet album va surtout plaire aux amateurs de musique contemporaine, minimaliste, drone ou ambient. J'ai pensé à la fois aux univers très différents de Morton Feldman et de Tim Hecker (surtout son dernier disque enregistré - coïncidence - en Amérique et en Islande). Il peut aussi s'adresser à tous ceux qui veulent méditer sur les mots du prof de philo.



Documentation à propos de l'album sur le site du label:

http://cstrecords.com/cst122/


Bio de Matthew Patton:

https://theimagista.com/portfolio-items/matthew-patton/
Dernière édition par chibougue le 14 juin 2017, 08:45, édité 1 fois.

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jon8
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13 juin 2017, 23:03

Merci pour la proposition, Chibougue, je vais assurément écouter ça.

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VanBasten
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13 juin 2017, 23:44

Super texte, :cool: