La part du diable (Le Québec qui croque dans la pomme )

par VanBasten

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VanBasten
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Inscription : 18 mai 2017, 22:59

19 févr. 2018, 13:12

Après visionnement de La part du diable suite de La mémoire des Anges , film patchwork relatant l'histoire du Québec à partir d'éléments tirés du répertoire de l'ONF c'est un peu ce qu'on se dit. Si la mémoire des anges (de mémoire) démontre dans son choix d'images un Québec surtout Montréal emmitouflé dans un cocon confortable plutôt endormi , le choix des sujets pour la part du diable donne l'effet d'un Québec qui s'est rendu compte tel Adam et Êve après la scène du serpent qu'il était en effet nu et qu'il veut se donner les moyens de recouvrer, sous-vêtements, pantalons et tutti quanti.

https://mediafilm.ca/multimedias/La_part_du_diable.mp4


La première image donne le ton alors qu'on se retrouve dans un camp d'inuits , bref ce Québec des années 70 s'ouvre sur son territoire sur les peuplades qui y habitent, si la politique y prend place , on y croise les Trudeau, Marchand, Lévesque et Chrétien. Ce qu'on visualise à travers la masse d'images présentées ce sont les chantiers sociaux , les grèves étudiantes et des différents corps de travail, manifestations, répression policière. On montre de front la pauvreté, les conditions souvent misérables des habitants , les revendications linguistiques , la montée du féminisme, les conditions des peuples Autochtones et même des Acadiens via une prestation de Zachary.

Outre la colère sourde qui gronde, le Québec/Canada Français qui est dépeint à travers ce document c'est aussi celui des grands chantiers, l’industrialisation, les Jeux Olympiques , le nucléaire, c'est la démolition des églises, la transformation de l'agriculture. C'est aussi un Québec avec un univers artistique bien à lui, parmi les visages que l'on croise on y rencontre Charlebois, Gerry, une très jeune Mouffe, le p'tit Simard et même Armand Vaillancourt. C'est un Québec divers et complexe à la fois réactionnaire et ouvert et surtout où tout est encore possible. Et à l'intérieur de ce 100 minutes bien tassés on constate également le nombre d'absents et on essaie d'imaginer ce que la cut originale de 5 heures pourrait avoir l'air, message à Bourdon l'auteur de ces lignes aimerait pouvoir la visionner.

Bref de l'ensemble des éléments choisis on a soit directement ou en filigrane un peuple qui réclame des choses, un peuple en colère, des gens en colère d'être dépassés, d'autres qui au contraire pour qui ça ne va pas assez vite. Pratiquement à chaque séquence, il y a un potentiel que tout explose à tout moment. Compte tenu de ce que les années 80 réserveraient on en voie de se demander si il y a une suite à cette œuvre elle ne portera pas le nom du Purgatoire.

Comme à l'instar du premier opus, en prenant le parti-pris de laisser les images parler d'eux-mêmes Bourdon s'assure de laisser au spectateur la possibilité d'y aller de sa propre grille de lecture tout en se laissant griser par ce pertinent voyage dans le passé. Pour conclure, si vous kiffez le travail de montage à partir de pièces disparates cette Part de Diable vous fera pénétrer volontiers en enfer à même titre que la mémoire des Anges vous a donné le goût du paradis.