Après 3 jours à arpenter les rues de Montréal, c'est la première soirée où j'ai décidé de franchir la barrière invisible de l'illégalité. Assez facile, c'est maintenant l'horloge qui sonne 20h00. Si tu es dehors, sans raison valable, après cette heure fatidique, tu es un outlaw. Je trouve ça cool, comment ça sonne, ''outlaw''. Me semble que j'ai juste entendu ça dans les films western. Je n'ai jamais joué au cow-boy quand j'étais jeune, mais jamais je n'aurais pensé vivre dans une vision de Sergio Leone en plein mois de janvier dans ma ville natale. Enfin, on prend c'qu'on a quand ça passe, pis j'ai bin aimé ça pareil.
J'ai marché assez pour me donner mal aux pieds, dans des rues désertiques mais avec des vieux sapins de noël abandonnés au lieu de cactus, j'ai même croisé deux shérifs mais aucun n'a dégainé son revolver. Le calme de la nuit, mes amis, c'était de toute beauté. Un silence complet, sous cette neige, sans voiture, sans piéton, un moment d'absolu, une plénitude totale. Je me suis senti coupable de l'aimer, ce couvre-feu. Un bref instant, mais un instant quand même. Ainsi c'est comme ça, une ville sans humain. J'imaginais l'apocalypse plus triste que ça, mais finalement c'est assez poétique.
18:10 Beaucoup d'activités dans les petits quartiers. On s'active dans les épiceries, on revient de ch'sais pas où, les voitures roulent, tournent, freinent, démarrent, l'activité est vive.
19:25 La vie s'accélère. Tout bouge plus vite, les gens font de la marche rapide, les automobilistes sont plus pressés, on dirait l'heure du lunch qui achève et les classes qui commencent dans l'école.
19:43 Le calme plat est presque installé au complet. Quelques retardataires, on sent la culpabilité ou peut-être ont-ils juste très envie de pisser, c'est comme la chaise musicale, le dernier qui reste doit se manger un ticket, c'est moins l'fun.
19:58 J'ai eu envie de le dire au vieux monsieur que c'était dans deux minutes le couvre-feu, mais je pense qu'il s'en câlisse pas mal. Un peu comme moi mais lui il avait l'air de s'en crisser, des actes de rébellion, je pense qu'il était juste écoeuré de pas mal tout.
20:01 Ca y est. Mon coeur bat un brin plus vite, je suis enthousiaste quand même un peu, c'est pas juste de vivre un couvre-feu, c'est de ne pas le respecter qui fait le thrill. Voilà, c'est fait, techniquement je suis un outlaw.
20:22 Un peu écoeuré de marcher, surtout les pieds froids et humides, j'essaie maintenant d'être un outlaw, mais sur ma monture. Après avoir chevauché partout dans la ville et croisé plusieurs shérifs à cheval, j'ai été un peu déçu de ne pas pouvoir discuter avec aucun d'eux. Déjà, je trouve ça moins dramatique qu'un vrai western spaghetti.
22:37 De retour à pieds. Le calme des rues est maintenant absolu. Ça commence à être un peu creepy. Même les voitures de livreurs de bouffe ne sont plus audible, même de loin, c'est le désert version Vallée de la Mort.
23:13 Je rôde près d'un poste de shérifs et, ô chance, je tombe sur un. Très cordial, il m'explique la loi du village. On discute des nuances de la loi. Je le questionne un peu, je le challenge sur certaines subtilités, c'est toujours cordial, il m'invite à rentrer directement à l'hôtel sans passer par le saloon. J'obtempère.
23:18 Je tombe sur un 2e shérif, toujours à pieds, il m'explique la loi du village, c'est encore assez cordial, je lui explique que je dois rentrer directement à l'hôtel sans passer par le saloon. Il acquiesce.
00:05 Je suis de retour à l'hôtel, le saloon était fermé. J'ai hâte à demain soir, je pense changer de village.
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Tomahack
- 01458
- Inscription : 12 juin 2017, 21:07
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jon8
- 07116
- Inscription : 15 avr. 2017, 00:26
J'étais bel et bien en situation ''illégale'', même si je ne reconnais pas cette ''illégalité''.
En fait, non seulement il y a une liste de raisons valables -médicale surtout, vous pouvez simplement dire que vous avez mal à la tête- mais les policiers sont clairement en mode sensibilisation. Du moins, pour l'instant.
Je m'attendais exactement à ce genre de dynamique avec les policiers: ils font simplement leur job. Si tu joues au petit baveux avec eux, tu vas avoir un ticket. Big picture? La stratégie c'est de taper sur les têtes qui dépassent, on étouffe la dissidence. Je ne blâme aucunement les policiers, ils sont pognés entre l'arbre et l'écorce. Le réel responsable c'est le gouvernement, donc le premier ministre, celui qui ''call les shots''.
J'aimerais bien dire que son autorité est fragile, mais vu la docilité (encore) du peuple québécois, ou Montréalais du moins, je pense qu'il va pouvoir lancer encore des ballons d'essais et même nous balancer un couvre-feu 24/7 si l'occasion se présente.
À ce stade-ci, je ne vois plus vraiment de limite.