La trame sonore du metal

par jon8

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23 août 2020, 14:42

Certains ici le savent déjà, je travaille depuis plus de 2 ans sur un projet de roman(s) et l'année 2020 me permet de redonner un élan à ce projet pour le moins ambitieux... Comme j'ai relu et fait le ménage dans ce que j'ai écris depuis le début, je sais que je discarte énormément de matériel après relecture (insatisfaisante) plusieurs semaines ou mois après l'avoir écrit... Voici donc un extrait que j'ai écris récemment qui pourrait être complètement éliminé de mon projet parce que c'est fondamentalement ''masculin''... dans un livre qui se veut plutôt ''féminin''. Bref, je le cache, je l'enterre, cet extrait, dans un faux topic de char. C'est de la littérature, de la fiction, ce n'est pas une expérience personnelle. ;)

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jon8
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Inscription : 15 avr. 2017, 00:26

23 août 2020, 14:43

Je me suis réveillé avec une certaine lassitude, ce lit déjà froid, déserté depuis je-ne-sais combien de temps par une Levka fuyant toujours les calins matinaux. Une certaine lassitude dans un pays lui-même las de sa petite paix étouffante, fuyons, fuyons, Levka. Je la retrouve sur le patio dans sa position habituelle, tenant à deux mains la tasse d'un café probablement déjà glacé par quelques heures d’un printemps mordant. Je l’observe fixant l’horizon, fixant ses pensées, je lui annonce l’heureuse nouvelle:

‘’Fuyons, Levka’’

Fuir?

‘’Oui!’’

Pourquoi fuir, c’est parfait ici, non?

‘’ Levka, tu habites le Luxembourg. Tu connais ta chance? Tu est au centre de l’europe, nous pourrions traverser 5 pays dans la journée si nous le voulions! ‘’

Traverser 5 pays pour revenir au point de départ, c’est ça ton idée d’une fuite?

Ni elle ni moi n’avions quoi que ce soit de planifié pour la journée. Elle le savait, je le savais, elle voulait simplement égrener les miettes de minutes d’un confort matinal. Je l’ai traité de vieille personne dans un corps de jeune femme. Elle n’a pas répondu, sauf par un regard un peu plus glacé que son café, j’ai souris. Nous étions sur la route moins d’une heure après.

En chemin, je me suis arrêté chez une connaissance dans l’Allemagne voisine. Ce qui est bien avec le fait d’être un riche entrepreneur, c’est la qualité des contacts qu’il est possible de se faire, fruits des contrats d’importants clients dans le monde. J’ai donc mis la main sur une rare Porsche GT2RS, fraîchement sortie de l’usine. Vous l’ignorez peut-être, mais c’est un privilège, croyez-moi. La voiture était d’autant plus spéciale qu’elle était spécialement préparée pour la piste, avec quelques subtiles modifications.

Oh bien entendu, j’ai déjà roulé sur ces autoroutes allemandes sans limite de vitesse. Une espèce d’aberration sur une planète devenue allergique au moindre risque. Une absurdité masculine, le vestige d’un passé où les gros moteurs dominaient la vie de l’homme, pompant le fuel et la testostérone. Belle ironie, pendant que cette époque s’éteint lentement, les dernières voitures manufacturées n’ont jamais été aussi diaboliques. Cette beauté allemande, possiblement le summum d’ingénierie au moment d’écrire ces lignes, est assurément une voiture de course conçue pour être légale sur route, de justesse. Ultime outil du pilote, le scalpel qui découpe les routes publiques, il est enfin libéré des contraintes claustrophobes et circulaires du circuit fermé. Le conducteur s’échappe en ligne droite vers l’infini.


Cette voiture est essentiellement un avion qui vole bas. Elle colle plus sur la route qu’elle ne flotte sur la route, mais les deux sensations s’entrecroisent. Levka prenait place comme la passagère d’une traversée qui s’annoncait intense. Je prends place derrière le volant. Merci Karl, je te la rapporte demain. C’est le départ, le museau pointant vers le nord.

La différence fondamentale entre un circuit fermé, entre une piste de course et une route publique -même allemande et sans limite- c’est l’état d’esprit. Les gens roulant sur une route publique sont, pour l’écrasante majorité, aucunement dans un état d’esprit aiguisé, ni même conscient de leur propre mobilité. Ils conduisent tous par automatisme, suivant une voiture, qui suit une voiture, qui suit une voiture, sans véritablement réfléchir, parfois même sans la moindre présence d’esprit que commande la situation. Il y a quelque chose d’assez zombiesque, dans ces longues files de véhicules, parfois compactes, parfois parcimonieuses, ces espèces de troupeaux de bulles métalliques transportant des amas de chaire fragiles, les déplaçant d’un point à un autre, dans une danse chaotique mais coordonnée par une poignée de règlements. J’enfile la première sortie vers la voie rapide. La voiture se comporte comme je l’imaginais, c’est une véritable bête de course. À peine essayée, je sens déjà sa puissance phénoménale, sa précision mécanique, sa communion télépathique avec mes sens. Épeurant, sécurisant et enivrant à la fois. J'accélère, j’écrase dans le banc, je laisse échapper un cri de satisfaction, je me retourne brièvement pour partager l’enthousiasme du moment, Levka, elle, reste impassible, fixant l’horizon, fixant ses pensées.

En seulement quelques instants, ma monture est totalement apprivoisée. Réflexe ancestral, s’il en est un, l’art de maîtriser son moyen de transport, fait de chaire animale ou de métal, est probablement l’instinct du mâle. La femelle, immunisée contre ce plaisir, s’évapore de mon champs de vision, je ne vois plus que la route, qui défile maintenant à 270 km/h. Mon bolide est stable comme un train, je pousse l’audace jusqu’à zigzaguer entre les zombies, même ceux défilant à plus de 200 km/h, j’accélère, je freine au besoin, je ré-accélère, je me faufile, je fais corps avec un laser qui perce les minces ouvertures laissées entre les voitures, la mienne domine tout, une sensation d’absolu m’active, dépassant même les bagnoles de luxe filant à vive allure, je dépasse maintenant 300 km/h, l’horizon rétréci, le paysage est flouté, Levka n’existe plus que quelque part au fond de l’habitacle, son lourd silence écrasé par la mélodie du moteur, la trame sonore du métal, j'atteins 320 km/h, l’horizon se rétrécit encore plus, les zombies deviennent roches, tous obstacles qu’ils sont devenus, j’accélère, j’atteins 340 km/h, point limite théorique, j’accélère, l’horizon se transforme en point unique, le paysage n’existe plus, limite dépassée, j’exulte, ma monture rugit son existence, un roi, un dieu, règne au sommet, égrenant ces miettes de minutes, les dernières vapeurs d’essence, le temps s’arrête dans le sifflement du vent.

♫♪ Jesus’ Tod - Burzum ♪♫

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jon8
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23 août 2020, 14:47

FYI: ce projet de livre contient systématiquement de la musique, ce qui explique le ''♫♪ Jesus’ Tod - Burzum ♪♫'' de la fin, c'est ma façon de mettre l'atmosphère que je vois pour la scène, au moment de l'écriture. C'est aussi ma manière de montrer ma passion pour la musique, et c'est comme ça pour tous les moments forts de ce projet littéraire.

La différence avec cette pièce de musique c'est que c'est d'un genre que je n'aime pas particulièrement. Mais je trouvais le fit parfait. C'est même carrément la pièce elle-même qui m'a inspiré cet extrait, en totalité. Contrairement à une pièce que je trouve pour fitter avec le texte.