"Alors à la fin, je trouve presque trop rassurant, trop commode de dire : voilà, c'est ce que Trump a créé. Ça nous évite de voir tout le travail à faire."
Diaboliser un seul individu pour déresponsabiliser une société, c'est un piège vieux comme le monde.
Dictateur, terroriste, tueur en série... politicien.
Trump reste un problème en soi, aucun doute, mais c'est avant tout le symptôme d'un mal plus profond. C'est l'aboutissement, le résultat d'une accumulation de cynisme et de populisme. Mais pas juste ça.
Encore plus profondément, philosophiquement, ce n'est même pas le résultat d'une déconnexion entre la population et la classe politique -comme trop de gens le suggèrent- ... Non, c'est plutôt la prise de conscience des limites de l'esprit collectif.
Une majorité grandissante de la population sent son individualité brimé au profit de gains collectifs supposés qu'elle ne comprends même pas ou dont elle ne voit pas les mérites, le tout étant trop loin de sa propre réalité.
La classe politique, dans un état démocratique, à notre époque, c'est de l'exécutif. Le bras droit de la majorité d'une population, qui exécute selon l'humeur de celle-ci. La classe politique exécutante ne prend pas véritablement de décision seule, à contre-courant de la volonté populaire, et ce, même pour des sujets mineurs. Oh bien sûr, elle sera blâmée si les décisions mènent à de mauvais résultats, mais des bouc-émissaires prêts à se transformer en chair à canon, il va toujours y en avoir.
Pis là débarque un Trump, qui sera assurément de la chair à canon, mais plus tard, dans les livres d'histoires, après sa mort... Pour l'instant, il représente pour une large partie de la population (la majorité, peut-être, même) le gros poing sur la table ''que les politiciens méritaient depuis longtemps''.
''Mon vote ne vaut rien, aussi bien foutre le bordel et envoyer chier Washington et Wall Street''
Deep down, je pense que tout le monde sait que Trump est une mauvaise personne et un abruti incompétent. Même les républicains, même plusieurs de ses fervents supporters. Mais à quelque part, ils aiment le nuage de poussière de merde que sa présidence provoque. Les médias font du fric comme jamais avec la rubrique politique, les gens adorent ou détestent quotidiennement, c'est le plus gros et le plus long reality-show ever, et on ne veut pas que ca cesse.
Ca vient carrément titiller le coin du cerveau qui nous fait parfois aimer le méchant dans un film. On peut aimer ça aimer le méchant, et on aime ça se chamailler avec le voisin qui déteste obstinément le méchant. Batman est boring, vive le Joker, let's see how the fuckin' world can burn.