
Ma relation pré-sortie avec le nouvel opus du bon vieil iguane fut mouvementée. J'ai tout d'abord été séduit par le court premier extrait - la pièce-titre du disque - avec lequel on se trouvait en terra incognita, quelque part entre l'ambient et le jazz. Puis, est sorti "James Bond", morceau kitsch et minimaliste qui m'a enlevé toute envie d'aller voir plus loin. Fort heureusement, j'ai pu rassembler assez de courage pour jeter une oreille attentive à la troisième pièce proposée: "Sonali", une chanson groovy et moderne encore une fois dominée par la trompette veloutée de Leron Thomas et la texture guitaristique de Noveller (alias Sarah Lipstate).
Aujourd'hui sortait cet album qui m'intriguait tant. J'étais prêt au pire comme au plus beau. Eh bien, après quelques écoutes, je puis dire que Pop et ses deux acolytes nous ont concocté une galette très éclatée qui ne laissera aucun auditeur indifférent. Les critiques vont d'ailleurs du deux étoiles sur cinq au quatre étoiles et demi. Mon coeur balance davantage dans le secteur de cette dernière note. (Mettons quatre belles étoiles scintillantes.) "Free" est le disque d'un type de soixante-douze ans qui se fout de tout et ne fait que ce qu'il veut (En fait, la carrière entière du mec pourrait de résumer à cette phrase).
La première moitié de l'album est assez biscornue merci. On passe de la plage titre très ambient à des pièces qui bougent plus (comme l'excellente "Loves Missing") à "James Bond" (qui passe très bien dans le contexte de ce disque des plus hétérogènes) à la vulgarité assumée de "Dirty Sanchez" sur laquelle Pop dit préférer les "big tits" aux "big dicks" sur fond de musique mariachi nouveau genre. Certains trouveront une telle suite décousue, voire inégale. De mon côté, je souris devant la liberté que s'octroie l'ancienne tête de proue des Stooges.
La seconde partie du disque est plus unie. On y retrouve des pièces lentes et atmosphériques dont la beauté est glaciale. Pop s'y fait davantage narrateur que chanteur en déclamant avec le senti qu'on lui connaît les mots, entre autres, de Lou Reed et du poète Dylan Thomas (on ne l'attendait pas, celle-là!). Encore une fois, le travail du trompettiste et de la guitariste - qui tissent de magnifiques toiles bleu nuit - est à applaudir. Du côté thématique, y sont abordés des sujets plus politiques (sur le magnifique appel à la résistance qu'est "We Are the People" de Reed) et, en fin de parcours, la mort qui rôde de plus en plus près à mesure que le temps passe.
Après le très bon "Post Pop Depression" élaboré avec Josh Homme (Queens of the Stone Age) et sa bande de rockeurs, Iggy nous propose une oeuvre qui n'a que très peu à voir avec le rock et que je trouve encore meilleure. Comme son vieux pote David Bowie, l'artiste vieillissant se tourne vers le jazz afin déjouer les attentes avec l'aide de jeunes musiciens qui n'ont pas froid aux yeux. L'homme vieillit mais sa punk attitude reste intacte!