
Il y a des groupes qui demeurent associés à une période précise dans nos vies. Pour moi, Calexico en fait partie. Comme Tortoise ou Medeski, Martin & Wood, son nom évoque pour moi la fin du siècle dernier et le début de celui-ci. Bien que toutes ces formations soient toujours actives aujourd'hui, leur plus récent matériel m'ayant moins accroché, j'ai l'impression qu'elles font davantage partie du passé que du présent.
La dernière fois que Calexico m'a fait vivre des émotions fortes, c'était il y a dix ans avec la parution de leur fabuleux "Carried to Dust", un de mes disques préférés du duo. C'était quelques années après un concert au Festival d'Été de Québec dont je garde un très bon souvenir. Étrangement, les albums "Algiers" (2012) et "Edge of the Sun" (2015) sont plus flous dans ma mémoire. Je me souviens vaguement de deux disques plus inégaux qui comportaient tous deux leurs bons moments mais dont le son était un tantinet trop propret à mon goût.
Sur son nouvel opus intitulé "The Thread that Keeps Us", la formation dirigée par Joey Burns et John Convertino continue de dérouler le fil conducteur qu'elle s'emploie à tisser depuis ses débuts il y a vingt ans: un beau mélange de rock indie, d'americana et de musiques latinos. Les ingrédients rock, country et mariachi sont toujours utilisés mais de nouvelles épices viennent donner du piquant à la sauce. Voyons un peu de quoi il en retourne.
Le disque débute avec "End of the World with You" qui, à cause de sa guitare, me rappelle beaucoup la chanson "Heroes" de David Bowie. Elle m'a demandé quelques écoutes (j'ai toujours eu un peu de misère avec les pièces qui ressemblent à des hymnes), mais au final, j'en apprécie la charge émotionnelle. Ensuite, les choses se mettent drôlement en branle avec "Voices in the Feild" dont la rythmique a un petit quelque chose de malien (à la Tinariwen). Belle tension sur ce morceau! Puis, arrive sans prévenir le son plus brut de la guitare de "Bridge to Nowhere". Après quelques disques plus en retenue, ça fait du bien d'entendre les gars de Tucson, Arizona en mode plus sale.
Après un court intermède à l'atmosphère orageuse, un rythme électronique se fait entendre. C'est le début de la funky "Under the Wheels" qui amène la bande ailleurs. Elle sort de sa zone de confort tout en demeurant elle-même et c'est fort agréable à entendre. Quelques titres plus tard, "Another Space" va encore plus loin en flirtant avec psychédélisme et jazz-funk à la Miles Davis. Ces pièces ainsi que les plus sauvages du disque comme "Bridge to Nowhere" et "Dead in the Water" sont, pour moi, les plus belles réussites de l'album.
À la première écoute, les chansons moins rythmées me semblaient un peu pâles en comparaison. Probablement parce qu'elles m'étonnaient moins. "The Town & Miss Lorraine", "Girl in the Forest" et les deux dernières pièces au programme ont tout de même su me charmer petit à petit. Par contre, c'est dès la première fois où je l'ai entendue que "Flores y Tamales" - une cumbia enlevée et bien sentie - m'a séduit. Cette pièce chantée en espagnole envoie valser bien loin l'idée qu'un mur entre moi et le Mexique serait une bonne chose.
Bref, on a là le meilleur disque de Calexico depuis une décennie. Ce n'est peut-être pas un grand album comme "The Black Light", "Feast of Wire" ou "Carried to Dust", mais c'est tout de même une galette tout ce qu'il y a de plus nourrissante: songwriting top niveau, exécution fervente, arrangements recherchés, textes intelligents... Que demander de plus?